Chine: la robotisation accélérée des usines suffira-t-elle à relancer l’économie?

La Chine compte 12,5 fois plus de robots dans ses usines qu’ailleurs. Récemment, un nouveau constructeur automobile a déclaré pouvoir fabriquer une voiture électrique en 76 secondes grâce à l’automatisation de ses chaînes de montage.   

Lei Jun, PDG du géant de l'électronique chinois Xiaomi, présente la première voiture électrique de l'entreprise, à Pékin, le 28 mars 2024. © MICHEAL ZHANG / AFP

De notre correspondant à Pékin,

Les cadences infernales ne semblent pas déranger les robots de la nouvelle usine Xiaomi. Le géant de l’électronique vient de lancer sa première voiture électrique. Selon l’agence Chine Nouvelle, « après avoir atteint la pleine capacité de production, l'usine peut produire environ 40 véhicules de la marque Xiaomi SU7 par heure, avec une nouvelle voiture sortant de la chaîne de montage toutes les 76 secondes ». C’est une façon de faire de la publicité. C’est valable à pleine capacité de production donc pour l’instant, on n’y est pas ! Mais c’est en tout cas ce qui est promis C'est qu’ils vont pouvoir servir les clients qui attendent ce nouveau modèle.

Dans les usines, ces grands bras articulés ne sont pas nouveaux. Le fabricant de téléphone, et désormais de voiture, dispose de ce que les spécialistes appellent des « Black Light Factory » (usines dans la pénombre). Il y a très peu de lumière dans la partie chaines de montages, car pour assembler les 1 500 composants sur la carte mère d’un smartphone, les robots ont remplacé quatre ou cinq travailleurs, confiait récemment le directeur de l’usine Xiaomi de Yizhuang – la nouvelle zone hight tech de Pékin – qui fabrique des millions de smartphones haut de gamme avec très peu d’ouvriers.   

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Cette robotisation concerne de nombreux secteurs et notamment celui des nouvelles technologies et du big data. La logistique et le e-commerce ont été parmi les premiers à accélérer l’automatisation de leurs plateformes de tri et de redistribution, avec dans des entrepôts, une chorégraphie, des bras robotisés qui empaquettent, étiquettent et déposent les colis sur des kilomètres de tapis roulants. Il y a aussi les géants de l’électronique et désormais le premier marché de l’automobile au monde, mais aussi l’hôtellerie, la santé et le BTP.

Course à la robotisation

Selon une étude américaine, la Chine compte ainsi aujourd’hui 12,5 fois plus de robots dans ses effectifs qu’en Europe et aux États-Unis. Le rapport précise que l’industrie robotique chinoise continue de dépendre des technologies étrangères, mais que dans sa course à la robotisation avec l’occident, elle rattrape vite son retard. Un retard qui est souvent lié à une question de salaire en réalité. Les entreprises songent à remplacer les ouvriers par des machines quand elles considèrent que les salaires sont trop élevés. Ce n’était pas le cas en Chine, ça le devient. La Chine est déjà le plus grand marché des robots industriels au monde, explique l’un des auteurs du rapport au South China Morning Post. Et ça va vite : en 2022, 52% de tous les robots industriels dans le monde ont été installés en Chine.  

Parler aux machines grâce à l’IA

Une pléthore de startups en rapport avec cette automatisation à marche forcée ont fait leur apparition, notamment dans la province du Guangdong, dans le sud-est du pays, ce qu’on appelait autrefois « l’atelier du monde ». Plus particulièrement, Kyland a récemment lancé un système de contrôle des robots industriels intelligents basé sur l’intelligence artificielle. Le dispositif est capable de traduire les instructions orales formulées par les humains, en commandes de mouvement du robot. L’utilisation du langage réduit considérablement les seuils d’utilisation des machines dans les lignes de production industrielle, selon les concepteurs du système.  

30% d’emplois détruits

Il y a évidemment des dégâts au niveau de l’emploi dans l’industrie. 30% des emplois seront détruits dans ce processus d’automatisation à marche forcée, selon une étude chinoise centrée sur les usines de la province du Guangdong en 2022.

Mais les adeptes du capitalisme rouge reprennent en cœur la théorie schumpétérienne de la « destruction d’emploi créative ». En gros, les ouvriers perdent leur boulot, mais on développe des nouveaux métiers d’ingénierie et de contrôles des machines. Et puis la population chinoise vieillie, le modèle économique de la production à bas cout, le made in china est progressivement remplacé par le made for china avec des produits à haute valeur ajoutée. De nombreux ouvriers ont pris les emplois de livreurs, par exemple dans les grandes villes.

Plan de réindustrialisation

« Les robots industriels nationaux jettent activement les bases d’une nouvelle industrialisation », titre ce matin le quotidien d’information économiques de Shanghai.   

« Les robots industriels sont porteurs de technologies émergentes et d'équipements importants pour la transformation et la modernisation de l'industrie manufacturière, affirme le journal. Par conséquent, sous la pression du développement d’une nouvelle productivité de qualité, il est essentiel de promouvoir l’automatisation. » Pour les théoriciens de ce développement accéléré des robots dans l’industrie, la mise en œuvre de projets de transformation et de mise à niveau des technologies de fabrication, ainsi que la mise à niveau numérique des ateliers passe par cette robotisation des lignes de production. Une stratégie poussée au plus haut niveau de l’état. Le conseil des affaires d’État chinois pousse depuis des années à cette mutation vers le haut de gamme et des produits à haute valeur ajouté. Une stratégie encore martelée par Xi Jinping dans ses derniers discours. La robotisation à grande échelle faisant partie de ce plan pour l’industrie censé relancer la deuxième économie du monde plombée par la crise immobilière et une consommation des ménages atone.