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«Guerre cognitive» chinoise pour saper l'alliance États-Unis/Philippines

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Les tensions sino-philippines en mer de Chine méridionale ont viré cette semaine pour la première fois en affrontement. Huit marins philippins ont été blessés, dont un grièvement. Les deux pays se rejetant mutuellement la responsabilité de l’incident. En toile de fond, les rivalités au sommet du pouvoir à Manille et le réalignement du président Marcos avec Washington. Ce qui a ouvert la voie, selon des analystes, à une « guerre cognitive » orchestrée par Pékin pour déstabiliser davantage le paysage politique philippin.

President Joe Biden speaks as he meets with Philippines President Ferdinand Marcos Jr. in the Oval Office of the White House in Washington, Monday, May 1, 2023.
Le président Joe Biden s'exprime lors de sa rencontre avec le président des Philippines Ferdinand Marcos Jr. dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, le lundi 1er mai 2023. © AP - Carolyn Kaster
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La « guerre cognitive », quésaco ?

Il s’agit de manipulation, de tactiques de désinformation souvent via les réseaux sociaux ou des relais plus traditionnels, comme les médias officiels chinois ou encore des politiques considérés comme proches de Pékin. L’objectif étant d’influencer l’opinion publique, de créer l’instabilité et de diviser l’alliance entre le clan du président Marcos et celui de son prédécesseur Duterte qui évitait la confrontation avec Pékin, en tout cas de manière moins frontale.

Concrètement, les observateurs donnent l’exemple d’un député, l’ancien président de la Chambre des représentants, Pantaleon Alvarez, un allié proche de l’ancien président Duterte qui avait annoncé en novembre vouloir organiser un référendum pour la sécession de l’île Mindanao du reste de l’archipel. L’initiative soutenue par l’ancien président Rodrigo Duterte, natif de Mindanao, avait fait l’effet d’une bombe. Le président Marcos Jr avait mis en garde contre toute tentative de division menaçant de recourir à la force.

Un quotidien The Philippine Star a révélé la semaine dernière avoir détecté une augmentation de partages en ligne d’articles sur cette campagne pour l’indépendance de Mindanao, en provenance de comptes anonymes et de trolls via des réseaux sociaux chinois. Plus de 60 comptes auraient relayé ces publications, visant à alimenter les spéculations sur une possible guerre civile dans l’archipel. Les commentaires en ligne pro-Duterte auraient également amplifié ces propos sécessionnistes tout en accusant l’actuel président Marcos et son administration d’être à l’origine du problème en raison de leur politique pro-américaine.

La pointe de l’iceberg

Ces révélations ne représentent que la pointe de l’iceberg. Des chercheurs ont rappelé que ces tactiques de désinformations ont déjà visé Taïwan ou Hong Kong, où la Chine avait répandu des campagnes pour discréditer par exemple le président de Taïwan, l’accusant de corruption.

Selon un rapport du département d’État américain, la Chine dépense pour ces campagnes des milliards de dollars. La tactique consiste à les combiner avec des opérations de cyber espionnage, ou de piratage de données publiques. À noter cependant que cette opération d’influence malveillante contre l’adversaire est également menée par les États-Unis.

Les Philippines en ont d’ailleurs fait les frais. En avril, le président Marcos avait dévoilé un plan sur six ans visant à renforcer la cyber sécurité suite à une vague d’attaques attribuées à la Chine contre des comptes officiels qui ont été inondés de contenus malveillants ou tout simplement bloqués. Manille a également expulsé des diplomates chinois suite à une controverse sur des écoutes téléphoniques. Pékin a par ailleurs été accusé d’avoir placé des agents dans des cellules dormantes à travers le pays.

Une campagne contre Marcos qui prend de l’ampleur

D’après les analystes, Pékin veut saper l’alliance entre les Philippines et les États-Unis, tout en créant la zizanie. Il ne reste que quatre ans à Marcos avant la prochaine présidentielle en 2028, et les élections de mi-mandat doivent avoir lieu en 2025. Des élections que la fille de l'ancien président Duterte, Sara, a de grandes chances de remporter.

Il faut donc faire vite pour convaincre l’opinion publique que l’administration Marcos est à l’origine des conflits en mer de Chine méridionale et pour forger auprès des Philippins une perception négative des États-Unis, éloigner le pays de toute alliance occidentale dans la région indopacifique mais surtout optimiser les chances de victoire du clan Duterte. La guerre cognitive ne fait donc que commencer.

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