Le pays traverse une crise du pain exacerbée depuis que le président de la République a déclaré le 27 juillet qu’il souhaitait un pain subventionné accessible à tous les Tunisiens. Depuis cette déclaration, c’est le branle-bas de combat chez certaines boulangeries dites « modernes » ou « non classées » qui ont annoncé la suspension de leur production. Elles sont dans le viseur du gouvernement, car elles produisent différents pains spéciaux et sont accusées de gonfler les prix ou de mélanger la farine à certains pains pour ne pas vendre la baguette subventionnée au prix symbolique de 190 millimes, soit 0,13 centime d’euros. Un sujet très sensible dans un pays ou près de 3,5 millions de baguettes sont consommées quotidiennement.

De notre correspondante à Tunis
Dans le quartier de l’Ariana, au nord de Tunis, les files d’attente pour le pain commencent dès 8h du matin. Zoubeir, 44 ans et chef de département vente dans une société, galère souvent à trouver sa baguette subventionnée. « Cela fait longtemps que ça dure. Par exemple, j’achète habituellement ma baguette dans une boulangerie qui là est actuellement fermée. Ça, c'est le premier problème. Ensuite, quand vous allez dans certaines boulangeries qui ont le droit de vendre d’autres pains, et que vous demandez la baguette subventionnée, ils vous imposent un autre pain qu’ils vendent à 250 millimes, ou alors un pain à base de semoule, qu’ils vendent à 400 millimes. »
Ce genre de variations des prix a créé un problème de confiance et une confusion au sein de la clientèle, comme l’explique Farouk, 70 ans, ingénieur agronome : « C’est vraiment commun désormais de ne plus trouver la baguette subventionnée au prix fixé par l’État. La qualité est mauvaise, et en plus quand vous arrivez en fin de journée, il n’y en a plus. »Pour pallier ce problème et faire face aux rumeurs de pénurie de pain, le gouvernement a décidé de serrer la vis pour les boulangeries dites non classées. Au nombre de 1 437 dans le pays, qui vendent toutes sortes de pain et des pâtisseries, contrairement aux fournils classés ou dits « traditionnels », au nombre de 3 200, qui ne vendent que le pain à base de farine subventionnée. Les stocks de farine et de semoule ont ainsi été redirigés vers ces dernières pour mieux contrôler la production et l’approvisionnement du pain subventionné, « un pain unique pour tous les Tunisiens » selon Kaïs Saïed.
« On va faire le nécessaire pour fournir le pain au peuple »
Salem Badri, président du syndicat des boulangeries modernes à Sfax, explique pourquoi certaines boulangeries pâtisseries sont actuellement en grève. « Tout de suite, on a arrêté de fabriquer tous les pains que monsieur le président a dit, en attendant la décision de ce pain unique. »
Ce sont donc les 3 200 boulangeries classées qui doivent travailler à plein régime pour répondre à la forte demande. Yassine Zliaa, boulanger de Raoued au nord de Tunis, est au four et au moulin. « On a eu de la farine du ministère du Commerce, on a eu des quantités exceptionnelles, ils nous ont rajouté des quantités, pour fournir la demande du pain. On va faire le nécessaire pour fournir le pain au peuple. »
Mais avec une farine produite avec du blé à 95% importé et les difficultés financières de la Tunisie à payer ses fournisseurs, combien de temps l’État pourra tenir cet approvisionnement en farine ? Sachant qu’il est aussi endetté auprès des boulangeries traditionnelles qui n’ont pas reçu leur compensation depuis plus d’un an et demi.
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Après une grève d’une semaine et un mouvement de protestation ce lundi 7 août, les boulangeries modernes ont annoncé la suspension de leur sit-in suite à des discussions entamées avec le ministère du Commerce ce mardi. De nouvelles annonces devraient avoir lieu cette semaine pour rééquilibrer l'approvisionnement en farine
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