Congo-Brazzaville: l'opération «gardons nos villes propres» fait grincer des dents
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Le ministère congolais en charge de la Décentralisation mène de concert avec les municipalités des grandes agglomérations une opération dénommée « gardons nos villes propres ». À Brazzaville, elle consiste à déguerpir les marchés de fortune et à libérer les trottoirs. Au risque de plonger les jeunes vendeurs informels dans la pauvreté.

De notre correspondant à Brazzaville,
Nous sommes devant le marché Total, le plus grand et le plus moderne de Brazzaville. Mais les marchands qui exposaient produits alimentaires, cosmétiques et autres friperies sur les trottoirs encombrés de l’ex-avenue de l’OUA ont été chassés. La circulation est fluide. Mais, Prince, étudiant sans emploi, est furieux. Il est revenu s’installer dans un coin pour vendre des sandales en caoutchouc aux passants. « Ce n'est pas une bonne de chose (de nous déguerpir) parce que le pays ne propose pas de boulot. Au Congo, on n’a pas de boulot, mais l’État nous chasse encore au bord de la voie principale. On va aller où ? Le seul boulot qui reste ici, c'est l’armée. Pour faire rentrer les dossiers en vue de l’intégration dans l’armée, c’est aussi un problème. On est partis à l’école, mais au final, on ne nous donne pas le boulot », se plaint-il.
Le jeune Prince défend son travail informel, qui lui permet de faire face à ses besoins. « On fait de bonnes affaires, on ne fait pas de la pagaille. Ça va, mon petit chiffre d’affaires. Avec mon petit travail (de vente d’articles) je ne peux pas envier un fonctionnaire. Je me débrouille, c’est l’essentiel pour moi », indique-t-il.
« C'est un manque à gagner »
L’opération « gardons nos villes propres », à durée indéterminée, fait grincer des dents, y compris chez les clients de l’informel : « Il faut dire que pour les vendeurs et les acheteurs, c'est tout un problème. C’est un manque à gagner. Nous, les acheteurs, nous ne savons où trouver les marchands », analyse un usager.
Les déguerpis, eux, cherchent à reprendre leurs activités. « Ma plainte est que, si c’est ce qu’ils veulent, qu’ils nous montrent où aller vendre. Il n’y a pas de places où on peut aller ; même pas dans le marché. La mairie n’a rien prévu. Ils sont en train de chasser les gens », se désole un marchand.
« Il s’agit de parler de réorganisation »
Un témoignage battu en brèche par le ministre en charge de la Décentralisation, Juste Désiré Mondélé : « Il ne s’agit pas de parler de compensation comme telle. Il s’agit de parler de réorganisation, d’autant plus que les personnes ou les commerçants déguerpis retrouvent les marchés domaniaux. Selon les retours ou les témoignages que nous avons, nombreux ont déjà occupé les étals dans les marchés domaniaux avec une aisance dans la pratique de leur commerce. Les marchandises ne sont plus étalées à même le sol. Cela impacte aussi sur leurs chiffres d’affaires », a-t-il affirmé.
Au Congo-Brazzaville, il est établi que l’économie informelle emploie plus que la fonction publique et le privé, soit 73 000 emplois en 2023, selon le gouvernement.
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