Cameroun: contre la surexploitation de la forêt, une fiscalité différenciée à la portée encore limitée
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Au Cameroun, si l’industrie du bois a perdu en valeur, son exploitation informelle et illégale grignote aussi la forêt, ce qui a conduit l'Union européenne à rompre son Accord de partenariat volontaire (APV) avec Yaoundé à la fin de l'année dernière. Pour tenter d’inverser la tendance et encourager les compagnies forestières à de meilleures pratiques, les autorités ont instauré en début d'année une fiscalité différenciée, sorte de bonus-malus écologique dont la portée reste toutefois limitée.

Depuis le mois de janvier dernier, le Cameroun impose aux compagnies forestières une taxe d’abattage de seulement 2,5% si la concession est certifiée durable, de 3% si elle est certifiée légale et de 5% si elle n'est pas du tout certifiée. Une certification implique plusieurs obligations pour la compagnie : « Élaborer et mettre en œuvre un plan d'aménagement qui définit les objectifs d'exploitation sur une période de 25 ou 30 ans, mais aussi faire en sorte de respecter l'ensemble des lois et règlements encadrant le secteur d'activité, respecter les droits des communautés locales et autochtones ainsi que les exigences en matière de protection de l'environnement », détaille Guy Sam Belouné, expert en gestion durable des forêts.
Bonus-malus sans coût pour l’État
Ce système de fiscalité différenciée n’a aucun coût pour l’État puisque le malus finance le bonus, explique de son côté l’expert en bois tropical Alain Karsenty. Ainsi au Gabon, où ce bonus-malus a été instauré il y a cinq ans, les entreprises les plus réticentes jouent le jeu. « Ce qui est en train de se passer au Gabon, c’est que l’on voit apparaître une dynamique de certification », se félicite le chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). « C'est même le cas d'une entreprise chinoise que j'ai rencontrée récemment et qui affirme que si, pour elle, la certification n'avait pas d'intérêt parce qu’elle vendait son bois en Chine, il en était tout autrement dès lors qu'elle permettait de payer beaucoup moins de taxes et que le gouvernement augmentait le malus année après année. »
Fiscalité moins incitative qu’au Gabon
Mais pour l’instant, au Cameroun, cette fiscalité forestière n’est pas très incitative, constate Alain Karsenty. Basé sur la valeur du bois abattu - et non sur la superficie, comme c'est le cas au Gabon -, le bonus-malus forestier fait l’objet de tiraillements au sein du gouvernement. « Il y a une opposition entre le ministère des Finances, qui y est assez favorable parce qu'il pense que cela améliorera l'image du pays, et le ministère des Forêts, qui est lui très opposé à cette mesure parce qu'il considère qu'elle va surtout profiter aux entreprises étrangères qui ont plus de moyens, la certification ayant un certain coût. »
Vers un fonds pour les entreprises locales
Soutenue par la Banque mondiale, l’idée de créer un fonds destiné à aider les entreprises forestières locales à payer leur audit est sur la table. Pour l’heure, seules deux entreprises sont certifiées durables dans le pays : Palisco et Alpicam.
Au Cameroun, le secteur forestier s’est fragmenté avec d'un côté de nombreux petits opérateurs camerounais ou vietnamiens, de l'autre des commerçants de bois qui n’ont aucune superficie forestière, ce qui ne facilite pas la traçabilité du produit.
En dix ans, les surfaces d'exploitation forestière certifiées durables y ont par ailleurs reculé à moins d'un million d'hectares contre près de trois millions au Congo-Brazzaville ou au Gabon, selon les données de l'Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT) pour l'année 2024.
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