Mali: le blocus économique des jihadistes paralyse le corridor Dakar-Bamako
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L'axe Dakar–Bamako, par lequel transitent carburant, denrées et matériaux essentiels, est aujourd’hui la cible du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim). En multipliant les attaques contre les chauffeurs routiers, le groupe jihadiste cherche à étouffer le Mali et à fragiliser toute la sous-région.

« Je viens à l'instant de faire la levée de corps de trois de nos camarades qui ont été tués. Alors, c'est pour vous dire comment est-ce que ça fait mal, comment est-ce que les conducteurs routiers souffrent », témoigne Daouda Bamba, secrétaire général de l'Union des chauffeurs routiers d'Afrique de l'Ouest.
Depuis un mois, les attaques se multiplient contre les transporteurs : prises d'otages, violences, rackets… Malgré la peur, Daouda Bamba appelle à poursuivre les approvisionnements vers Bamako : « Les risques deviennent très grands dans la sous-région. Ces attaques visent à saper le moral des conducteurs. Nous devons rester résilients. Si nous baissons les bras, nos pays sont foutus économiquement. »
Des escortes militaires ont permis, la semaine dernière, de ravitailler Bamako en carburant, offrant quelques heures de répit. La route nationale 1, reliant Dakar à Bamako via Kayes, reste pourtant dans la ligne de mire du Jnim. Ce corridor, par lequel transitent près de 30% des importations terrestres du Mali – carburant et céréales notamment –, est aujourd'hui au cœur de la bataille économique.
Un blocus qui menace tout un équilibre régional
« Le port du Mali, c'est Dakar », rappelle Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, basé dans la capitale sénégalaise. « Le Mali est le premier partenaire économique du Sénégal. Ce corridor représente aussi 400 milliards de francs CFA de recettes pour le Sénégal », ajoute-t-il. Mais le blocus a déjà ralenti le trafic : les camions n'effectuent plus qu'une rotation par mois, contre deux ou trois auparavant.
Les conséquences dépassent le simple manque de carburant. Près de 80% de l'or malien, principale ressource du pays, est extrait dans la région de Kayes, aujourd'hui fragilisée. « Cette situation pourrait entraîner la réduction, voire l'arrêt total de l'activité aurifère, qui représente 6,3% du PIB, 21% des recettes fiscales et 82% des exportations du Mali. Cela met en péril un des rares secteurs porteurs du Mali », alerte Bakary Sambe.
Le Jnim cible également les sociétés étrangères : sept sites industriels ont été attaqués dans la région de Kayes entre juillet et août, selon un rapport du Timbuktu Institute. Une stratégie assumée d'asphyxie économique, qui fait peser une lourde menace sur la stabilité de toute la sous-région.
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