Crise de croissance brutale sur le marché européen de la pomme de terre
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En France, premier exportateur mondial de pommes de terre, la récolte 2025 s'annonce inédite depuis dix ans. La tendance européenne est la même, avec des volumes estimés à +11% par rapport à l'année dernière. Ce qui pourrait être une bonne nouvelle sur le papier se traduit par des prix qui se sont effondrés. Ce scénario, annoncé il y a déjà plusieurs mois, inquiète le réseau North-Western European Potato Growers (NEPG).

L'Union nationale des producteurs (UNPT), avait prévenu qu'augmenter les surfaces et produire plus était risqué, car c'était anticiper une demande qui n'existait pas encore. Les promesses des industriels ont été manifestement trop fortes et ont stimulé les producteurs. On parle en particulier de gros acteurs implantés en Belgique, qui ont promis d'acheter des volumes plus importants, cette année, avant finalement de revenir sur leurs engagements.
Résultat, les agriculteurs français, mais aussi allemands, hollandais et belges, se retrouvent aujourd'hui à récolter une production qui est en décalage avec le besoin réel des industriels. « Une partie importante de la récolte ne pourra être stockée, et des dizaines de milliers de tonnes ont déjà été redirigées vers l'alimentation animale, les unités de biométhanisation ou les installations de compostage », déplore le réseau North-Western European Potato Growers, la plateforme de discussion européenne des producteurs de pommes de terre.
Un déséquilibre qui fait chuter les prix
La baisse des prix a commencé il y a plusieurs mois. Aujourd'hui, sur le marché libre, c'est-à-dire hors des contrats longue durée, des industriels proposent d'acheter la tonne de pommes de terre à 15 euros la tonne, voire moins, des prix jugés indécents par l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) qui déconseille aux agriculteurs d'alimenter le marché de la frite avec des pommes de terre « payées zéro euro ou presque », résume un de ses membres.
En France, environ 80 % de la production est vendue sous contrat, à des prix qui dépassent 180 euros la tonne cette saison, donc les agriculteurs peuvent s'inquiéter pour la vente des 20 % restants. « En revanche, dans d'autres pays européens qui ont moins l'habitude de vendre sous contrat, l'exposition à ces prix libres qui ont chuté s'annonce beaucoup plus grande », explique un expert de la filière.
La crainte du réseau européen des producteurs est que la crise de l'offre d'aujourd'hui se transforme en crise de la demande dès 2026 « si les producteurs n'ont plus la capacité économique de suivre le rythme » et réduisent leur surface.
Demande mondiale en forte hausse
Cette crise de croissance est conjoncturelle et particulière à l'Europe, car la demande industrielle au niveau mondial est en forte hausse, en particulier en Asie où le nombre d'usines explose. L'industrie chinoise de la frite et de la chips a enregistré un taux de croissance de 80 %, entre 2019 et 2024 selon Rabobank, qui assure que la Chine et l'Inde – qui affiche un taux de croissance de 45 % – cherchent encore à augmenter leur capacité de transformation pour tirer profit de la hausse de la demande, au Moyen-Orient et en Asie. En cinq ans, ces deux pays sont passés d'importateurs nets à exportateurs nets de produits surgelés à base de pommes de terre.
L'Asie ne peut cependant pas être un débouché pour la production européenne. L'Inde et la Chine alimentent leurs usines avec leur propre production. « La pomme de terre fraiche voyage très mal, elle est transformée dans la région où elle est produite, généralement à quelques centaines de km maximum » explique un de nos interlocuteurs.
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