Européen de la semaine

Viktor Babaryko, l’homme politique le plus populaire de Biélorussie, devant Loukachenko

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En Biélorussie, la semaine a été marquée par les dernières audiences du procès de l’opposant Viktor Babaryko. Cet ancien banquier, âgé de 57 ans, a été emprisonné, alors qu’il s’apprêtait à défier Alexandre Loukachenko lors de la présidentielle contestée de l’été dernier. Viktor Babaryko est jugé pour corruption. Selon son équipe, ces accusations ont été inventées de toutes pièces en vue de l’empêcher de se présenter à la présidentielle où il avait toutes ses chances.

Viktor Babariko, l'ancien directeur de la Belgazprombank, propriété de la Russie, est assis dans une cage dans une salle d'audience à Minsk, au Bélarus, le mercredi 17 février 2021.
Viktor Babariko, l'ancien directeur de la Belgazprombank, propriété de la Russie, est assis dans une cage dans une salle d'audience à Minsk, au Bélarus, le mercredi 17 février 2021. © Oksana Manchuk/BelTA Pool Photo via AP
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« Nous ne choisissons pas l'époque dans laquelle nous vivons. Mais nous choisissons le chemin que nous devons prendre » : c’est par cette phrase que Viktor Babaryko débute le documentaire autobiographique diffusé par son équipe de campagne, au début de l’été dernier. Durant 23 minutes, l’homme au visage rond, à la carrure massive et à l’allure bonhomme, s’y dévoile, parlant de sa vision du pays, évoquant la disparition de sa femme, ou encore ses rêves d’enfant. Conquis par sa personnalité, Ivan Kravtsov, a rejoint son équipe de campagne en mai 2020 en tant que responsable des relations publiques.

« Tout d’abord c’est quelqu’un de très intelligent, mais le plus important c’est qu’il est honnête et bon. Il comprend très bien les gens, il n’est pas distant. Il se concentre toujours sur les choses positives et il tente de tirer le meilleur de chaque personne et de lui donner un but. Il se considère comme un dirigeant efficace qui peut faire du bien au pays. » indique-t-il.

Accusé de fraude et de blanchiment d'argent

En quelques semaines, son équipe réunit 435 000 signatures, un record pour un concurrent d’Alexandre Loukachenko. Des personnalités comme la prix Nobel de littérature Svetlana Alekisevitch soutiennent sa candidature, mais le jour où Victor Babaryko se rend, en compagnie de son fils à la Commission centrale électorale avec ses parrainages sous le bras, les deux hommes sont arrêtés. L’ancien banquier est alors accusé de fraude et de blanchiment d’argent. « En Biélorussie, peu nombreux sont ceux qui doutent du fait que cette affaire est politique. Dès qu’il a rendu publiques ses ambitions politiques, il a été arrêté. Il faut savoir que Viktor Babaryko est jusqu’à aujourd’hui, l’homme politique le plus populaire du pays, devant Alexandre Loukachenko. Et c’est pourquoi, ce dernier ne pouvait pas le maintenir en liberté parce qu’il constituait une alternative. Selon la logique des autorités biélorusses, il doit être en prison », explique Valéry Karabalevitch, politologue.

Avant d’entrer en politique et de le payer de sa liberté, Viktor Babaryko était aussi mécène. Il a soutenu de nombreux projets artistiques et a fait revenir en Biélorussie des œuvres des peintres Marc Chagall et Chaim Soutine, originaires de la région, comme le rappelle Ivan Kravtsov. « Il avait depuis longtemps des liens très forts avec le milieu artistique biélorusse. Sa banque a soutenu de nombreuses initiatives. Il a aussi fondé une fondation "Chance" qui soutient les orphelins. Il avait de nombreuses activités sociales. Et c’est aussi grâce à cela, qu’un nombre important d’artistes l’ont soutenu durant la campagne. »

Critique du système économique

Fort d’une expérience de 20 ans à la tête de Belgazprombank, une filiale du géant russe Gazprom, Viktor Babaryko s'était lancé dans la campagne  en critiquant le système économique, largement contrôlé par l'État. Le président Alexandre Loukachenko l’avait alors accusé de vouloir « privatiser » le pays, tout en insinuant qu’il était financé par Moscou. « Il n’y a aucun signe qui permette de dire qu’il était le candidat du Kremlin. Il n’y a eu aucune déclaration publique de soutien du côté des officiels russes, ils n’ont pas exigé sa libération. Quant à la question de savoir s’il aurait été un candidat acceptable pour Moscou, je pense que oui. Il n’était pas partisan d’une rupture avec la Russie pour se rapprocher de l’Occident, il était à la tête d’une banque de Gazprom... C’est pourquoi je pense qu’il constituait une figure tout à fait acceptable pour la Russie », indique Valéry Karabalevitch.

Emprisonné depuis plus d’un an, Viktor Babaryko sera fixé sur son sort vendredi prochain. Le procureur a requis 15 ans de prison.

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