De l’Afghanistan à l’Iran, de la difficulté d’être hazara
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À travers son propre destin et les superbes dessins de Yann Damezin, le réalisateur et scénariste Reza Sahbidad raconte à la manière d’un conte oriental l’histoire tragique de l’ethnie minoritaire chiite hazara, paria en Iran comme en Afghanistan.

Reza Sahibdad a 28 ans lorsqu’il arrive en France et qu’il demande l’asile politique, muni de sa carte de séjour iranienne et de sa carte d’identité afghane. Né en 1980 à Mashhad en Iran, il est en réalité de nationalité afghane, membre de l’ethnie Hazara. Celle-ci est regardée de travers aussi bien dans l’Iran des mollahs -même si les Hazaras sont chiites-, que dans l’Afghanistan sunnite en proie à la guerre.
De son exil à Mashhad (nord-est de l’Iran), la famille de Reza suit aussi bien la guerre Iran-Irak (1980-1988) que la guerre en Afghanistan qui éclate après l’invasion soviétique de 1979 : à ce moment-là, les Hazaras sont pris en étau entre les «Moustachus» -les communistes de Kaboul soutenus par les Soviétiques- et les «Barbus» musulmans soutenus par les Américains et par les Iraniens.
L’album raconte également comment, après 1993 et la chute du régime communiste en Afghanistan, le régime iranien se lance dans une politique active pour inciter les immigrés afghans à retourner dans leur pays. À la propagande incitative au départ, succède une politique beaucoup plus contraignante, avec arrestations et expulsions de sans-papiers. Dans ce contexte, Reza Sahibdad passera même une semaine dans le camp de Sefid Sang dans des conditions d’hygiène et de promiscuité inhumaines. Il raconte aussi le lourd tribut que paiera son frère, fortement engagé pour la cause hazara, prisonnier politique dans les geôles iraniennes.
C’est une passion personnelle qui permettra au jeune Reza de voir la lumière. Après plusieurs petits boulots et l’apprentissage de la couture dans l’atelier de son cousin, Reza Sahibdad se consacre en effet à son amour du cinéma, dont il apprend les rudiments avec une association de jeunes cinéastes. En cachette des autorités, lui et ses amis visionnent des cassettes vidéo de films interdits par la censure. Plus tard, il travaillera pour une chaine de télévision afghane et réalisera plusieurs courts métrages évoquant la situation des Afghans en Iran. L’un d’entre eux, «La Brique et le cœur» lui vaudra un prix remis par le président iranien ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad ! L’artiste aura aussi la chance de se former auprès du célèbre réalisateur Abbas Kiarostami, et sera reçu en 2008 au Vatican pour présenter son premier film.
Hazara Blues, Reza Sahibdad (scénario), Yann Damezin (dessin), éditions Sarbacane.


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