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Le président syrien, ancien jihadiste, reçu avec les honneurs à la Maison Blanche

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Un événement inédit se produit aujourd’hui. Un chef d’État syrien est reçu à Washington. Ce n’était jamais arrivé depuis l’indépendance du pays. Et c’est un vrai renversement de l’histoire. 

Il s'agit de la première visite officielle d'un chef d'État syrien à Washington depuis l'indépendance du pays. Ici, le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa (à droite) aux côtés de son ministre des Affaires étrangères Asaad al-Shaibani, à Washington, le 9 novembre 2025.
Il s'agit de la première visite officielle d'un chef d'État syrien à Washington depuis l'indépendance du pays. Ici, le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa (à droite) aux côtés de son ministre des Affaires étrangères Asaad al-Shaibani, à Washington, le 9 novembre 2025. © Agence SANA / via AFP
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Il y a encore moins d’un an, les États-Unis offraient 10 millions de dollars pour toute information menant à la capture d'Ahmed al-Charaa. Aujourd’hui, ils déroulent le tapis rouge sous les pas de l’ancien pensionnaire de leur sinistre prison d’Abou Ghraib en Irak. Et pourtant, ces dernières années en Syrie, il est passé dans les rangs de l’organisation jihadiste État islamique, puis du front al-Nosra, un moment branche syrienne d’al-Qaïda, ennemi juré des États-Unis.  

Un sens politique aigu

À l'origine de ce retournement de situation, il y a un principe de réalité. C’est Ahmed al-Charaa, à la tête de son organisation Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a mis fin au régime de Bachar el-Assad, contraint de fuir Damas pour Moscou. Ahmed al-Charaa est le nouvel homme fort de la Syrie et fait preuve d’un sens politique très aiguisé. D’abord en rompant successivement avec l’EI puis avec al-Qaïda, en ayant la sagesse d’adoucir son image en se présentant comme un islamiste plutôt qu’un jihadiste. Il est même allé jusqu’à s’opposer militairement à ses anciens frères d’armes jihadistes.  

Ce sens politique et même diplomatique lui permet de réintégrer la Syrie dans le concert international. S’il est reçu par Donald Trump, qui a permis la levée des sanctions américaines et internationales qui le frappaient, c’est qu’il multiplie les gestes de bonne volonté. Il y a par exemple l’affichage de la lutte contre la trafic international de drogue en notamment de captagon. Et puis l’ouverture prochaine d’une base aérienne américaine près de Damas est à l'étude selon certaines sources diplomatiques citées par des agences de presse. On l’a vu jouer au basket avec le chef américain de la coalition anti-jihadiste à laquelle la Syrie pourrait adhérer.  

Des discussions avec la Russie et Israël

Cela ressemble à un renversement d’alliance, car c'est vrai que la Syrie est un allié historique de la Russie. Avant d’aller à Washington, Ahmed al-Charaa est allé à Moscou, pour discuter avec Vladimir Poutine. Il n’y a donc pas rupture nette avec la Russie. Les bases russes en Syrie, navale et aérienne, accueillent toujours des soldats russes, même s’ils sont en moins grand nombre.  

Il se dit même prêt à discuter avec Israël, alors même que les deux pays sont encore techniquement en guerre et qu'Israël qui occupe certaines parties du territoire syrien. L'État hébreu a même bombardé certains endroits pour réduire la capacité militaire de l’armée syrienne. Pourtant, Donald Trump ne désespère pas de faire signer à son hôte les accords d’Abraham, négociés par lui lors de son premier mandat et qui ont permis la normalisation des rapports entre l'État hébreu et certains de ses voisins arabes. Comme l’Arabie saoudite, l’un des premiers pays visités par Ahmed al-Charaa et où il a une première fois rencontré Donald Trump. Les deux pays, États-Unis et Arabie saoudite ont en commun l'objectif de réduire l’influence iranienne dans la région. 

Des places à prendre

Comme souvent, il y a aussi des questions économiques et commerciales. L'économie syrienne a été littéralement détruite par 13 années de guerre civile. La Banque mondiale estime le coût de la reconstruction à près de 200 milliards d’euros. Autrement dit, il y a des places à prendre et des affaires à faire. C'est aussi ce ce qui explique ce rapprochement spectaculaire.  

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