Les dessous de l'infox, la chronique

Manipulation des propos de Joe Biden sur la prévention d’une pandémie à venir

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En ce milieu de mois de juin, l'épidémie de Covid-19 reprend un peu partout dans le monde, notamment en Europe et aux États-Unis. En France, certains évoquent déjà une septième vague. Une reprise épidémique qui s'accompagne d’un rebond des théories complotistes autour de la pandémie. Sur les réseaux sociaux, les propos de Joe Biden sont détournés.

Le président Joe Biden, au centre, avec le responsable du site Anacostia/Congress Heights Covid Center Arsema Desta, à droite, et le coordinateur de la réponse Covid-19 de la Maison Blanche Ashish Jha, à gauche, parle des vaccins Covid-19 nouvellement approuvés pour les enfants de moins de 5 ans, mardi, Le 21 juin 2022, depuis la Roosevelt Room de la Maison Blanche à Washington.
Le président Joe Biden, au centre, avec le responsable du site Anacostia/Congress Heights Covid Center Arsema Desta, à droite, et le coordinateur de la réponse Covid-19 de la Maison Blanche Ashish Jha, à gauche, parle des vaccins Covid-19 nouvellement approuvés pour les enfants de moins de 5 ans, mardi, Le 21 juin 2022, depuis la Roosevelt Room de la Maison Blanche à Washington. AP - Susan Walsh
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La population étasunienne s’est majoritairement pliée aux nécessités de la vaccination pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, mais une minorité agissante alimente le doute sur les vaccins, comme sur l'existence de l’épidémie elle-même.

Les autorités continuent de chercher les moyens d’enrayer la propagation du virus, notamment avec l’ouverture de la vaccination pour les moins de 5 ans. C’était l’objet de la conférence de presse tenue par le président étasunien mardi 21 juin. Interrogé par un journaliste sur les capacités de l’administration, Joe Biden a déclaré : 

We do need more money. But we don’t just need more money for vaccines for children, eventually, we need more money to plan for the second pandemic. There’s going to be another pandemic. We have to think ahead. And that’s not something the last outfit did very well. That’s something we’ve been doing fairly well. That’s why we need the money.

Traduction : « Nous avons besoin de plus d'argent. Mais nous n'avons pas seulement besoin de plus d'argent pour la vaccination des enfants, nous avons besoin de plus d'argent pour prévenir la deuxième pandémie. Il y aura une autre pandémie. Nous devons penser à l'avenir. Et ce n'est pas quelque chose que la dernière équipe a très bien fait. Nous, nous sommes plutôt bons là-dessus. C'est pourquoi nous avons besoin de l'argent. »

Un message déformé

Dans ce contexte, il est évident que le président étasunien parle d'anticiper une nouvelle pandémie, et non pas de l’organiser. Mais ce que l’on constate sur les réseaux sociaux, c’est que nombre d’internautes ont donné une interprétation erronée de cette intervention.

Le problème porte sur le flou autour de la traduction de ces propos, « Plan for the second pandemic ». Le verbe to plan, peut vouloir dire à la fois prévoir ou planifier. Cette formulation a permis aux complotistes de s'engouffrer dans la brèche en détournant intentionnellement les propos de leur sens initial. Exemple avec ces tweets : 

Les propos de Joe Biden volontairement détournés sur les réseaux. © Captures d'écran Twitter/ Montage RFI
Les propos de Joe Biden volontairement détournés sur les réseaux. © Captures d'écran Twitter/ Montage RFI © Captures d'écran Twitter/ RFI

Le contexte ne permet pourtant pas le doute. Ces internautes partagent tous le même extrait vidéo, vu plus d’1,5 millions de fois sur Twitter, publié par le compte Breaking911, un média de très mauvaise réputation connu pour ses infox et qui s'autodéclare « première source “d’informations alternatives” des États-Unis ». 

Certains évoquent même une pandémie organisée par Joe Biden pour manipuler les élections de mi-mandat prévues en novembre, voire même la prochaine présidentielle en 2024. C’est notamment le cas de journalistes et de politiques proches du clan Donald Trump.

La chaîne ultra-conservatrice Fox news, relaye le commentaire de Samantha Chang, une journaliste du Western Journal, un organe du même bord, réputé peu fiable, qui affirme : « Le bafouilleur présente les arguments en faveur d'une recrudescence des votes par correspondance/récolte de bulletins. La prochaine variante aura lieu peu avant les élections de mi-mandat de novembre ». 

Cette infox, devenue virale sur les différents réseaux, sert la théorie de la « Plandémie », le mythe complotiste d’une pandémie planifiée, voire totalement inventée, à des fins économiques et politiques.

Le consensus scientifique 

C’est un constat, les zoonoses, ces maladies transmises à l’homme par les animaux, se multiplient. Il y a eu le Sras, le Mers, Ebola, la grippe aviaire, le Zika, la Variole du singe, et le Covid-19, même si des doutes persistent sur l’hôte intermédiaire du virus. Les causes avancées par les spécialistes mentionnent l’évolution de nos modes de vie, l’urbanisation, la déforestation et le réchauffement climatique qui perturbent les écosystèmes et font que les espèces se transmettent plus facilement les virus

Il est donc normal que la communauté scientifique se penche sur la question. Pour que la recherche progresse, il faut des financements. Ce n’est donc pas étonnant que le président des États-Unis cherche à accroître les moyens dans ce domaine, et il n’est sans doute pas le seul. 

Glissement de sens

En l’état de la recherche, de futures pandémies paraissent inévitables. Cela ne veut pas dire qu’on ne saura pas les maîtriser et qu’elles seront forcément dévastatrices. C’est bien la raison pour laquelle on met beaucoup d’argent dans les études qui permettent d’anticiper leur émergence et leur diffusion. Cela s’appelle de la prévention. 

Or, dans le narratif complotiste, il y a un glissement de sens, entre prévention et planification. S’organiser pour mettre en place les outils de lutte contre de futures zoonoses ce n’est pas fabriquer la prochaine pandémie. Ce n’est pas parce que vous êtes arrivé à prévoir les conditions favorables à un départ d’incendie, que vous êtes celui qui l’a déclenché.

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