Massacre à Izioum: la nouvelle cible de la désinformation russe
Publié le :
Une fosse commune et 445 tombes dans un cimetière improvisé. C’est la découverte macabre réalisée à Izioum dans l’est de l’Ukraine après six mois d’occupation russe, laissant craindre un nouveau crime de guerre. Alors que l’enquête se poursuit pour faire la lumière sur ce qu’il s’est passé, la désinformation russe, elle, est déjà bien en place.

Face aux preuves d’exactions qui s'accumulent, la Russie répond à coup d’infox. Le Kremlin rejette toute responsabilité dansles scènes d’horreurs découvertes à Izioum et parle de « mensonges ». Un déni appuyé par la désinformation russe sur les réseaux sociaux.
De nombreux internautes affirment notamment que les cadavres des militaires et des civils ukrainiens exhumés ont été enterrés avant même l'arrivée des soldats russes à Izioum. Ils accusent ainsi les Ukrainiens de crimes contre leur propre peuple.
Des victimes de bombardements russes
Ce narratif fallacieux repose, entre autres, sur une photo montrant plusieurs croix de bois plantées au-dessus des tombes, et sur lesquelles sont inscrites les dates de décès des personnes enterrées. Il apparaît alors la date du 9 mars 2022. À ce moment-là, Izioum était encore sous le contrôle de l’armée ukrainienne. La ville est officiellement tombée aux mains des forces russes le 1er avril. C’est ce qui leur permet, à tort, d’affirmer que les soldats russes n’y seraient pour rien.

En réalité, la ville était sous le feu des bombardements depuis plusieurs semaines déjà, comme en témoigne ce rapport d’Amnesty International. Certains médias russes affirmaient même, par anticipation, avoir pris le contrôle de la ville dès le 7 mars.
Le 8 mars par exemple, l’hôpital d’Izioum est éventré par un missile russe.

Ces frappes sur Izioum ont fait plusieurs dizaines de morts, dont certains qui n’ont pas pu être enterrés avant l’arrivée des Russes. C’est ce que confirment les habitants sur place, et le témoignage du croque-mort d’Izioum, chargé par les occupants d’enterrer les corps.
Suspicions de crimes de guerre
En plus des civils qui ont été pris pour cible, le cimetière improvisé d’Izioum a révélé les dépouilles de 17 soldats ukrainiens jetées dans une fosse commune. Certains corps portent des marques de torture et ont visiblement été exécutés. C’est ce que rapporte notre correspondant sur place, Stéphane Siohan. Des rescapés d’Izioum témoignent également de sévices endurés par les civils, durant les six mois d’occupation russe.
Non, ce n’est pas une mise en scène
De nombreux médias pro-russes parlent d’un scénario « à la Boutcha », reprenant les mots du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Cela signifie une prétendue nouvelle mise en scène de la part des Ukrainiens pour discréditer la Russie. Or les crimes de Boutcha sont malheureusement bien réels. Sur ce massacre, nous avons passé la désinformation russe à l’épreuve des faits.
Certains dressent un parallèle entre Izioum et le faux charnier de Timisoara lors de la révolution roumaine de 1989. Cette affaire sert à jeter le discrédit sur le discours médiatique. Or dans les conditions actuelles, une telle erreur ne peut pas se produire. Lorsque les premières images du prétendu charnier de Timisoara apparaissent, les journalistes ne sont pas encore sur le terrain. Dans le cas d’Izioum, les nombreux journalistes sur place assistent en temps réel à l’exhumation des cadavres, et à la poursuite de l’enquête qui ne fait que commencer.
À Izioum, ce narratif de la mise en scène circule grâce à de fausses preuves, comme par exemple la photo d’un cadavre les mains liées. La corde, que certains internautes estiment être dans un trop bon état comparée au corps, prouverait la mise en scène.

Une recherche d’image inversée sur le moteur de recherche Yandex permet de retrouver les premières occurrences de ce cliché. En réalité, c’est bien un cadavre, mais découvert début mai dans la région de Kiev. Cette photo détournée ne prouve donc absolument rien.
Malheureusement il existe bien d’autres photos prises à Izioum montrant des cadavres les mains liées. Le bureau des droits de l'homme de l’ONU s'apprête à enquêter sur les découvertes macabres dans l'est de l’Ukraine nouvellement libéré, dont celles d’Izioum.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne