Les inventaires des émissions de gaz à effet de serre sont-ils fiables?
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-4,8% en France, -10,1% en Allemagne, -5,4% au Royaume-Uni… En ce début 2024, les États font le bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre sur l’année écoulée. C’est un moyen de suivre le chemin parcouru et de son respect de l’Accord de Paris sur le climat, qui vise à limiter le réchauffement climatique à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Cependant, à l’échelle mondiale, la rigueur de ces inventaires pose question.

Il y a un décalage : si l’on prend l’entièreté de ce que déclarent émettre l’ensemble des pays, et qu’on le compare à ce qui réellement mesuré dans l’atmosphère, il en manque. Les inventaires des états ne documentent en effet que 70% de l’excès de gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. Les 30% restant sont ainsi d’origine inconnue.
Cela s’explique en partie par la méthode utilisée pour recenser les émissions. Les Nations unies demandent aux pays de réaliser régulièrement et en détail le catalogue de leurs rejets de gaz à effet de serre. Ces derniers doivent donc compter, secteur par secteur, et ensuite communiquer leurs tableaux. Les règles à suivre varient cependant d’un pays à l’autre et certains gros émetteurs, comme la Chine, ont moins de contraintes que d’autres états.
C’est le résultat d’un compromis diplomatique : les pays développés, considérés dans le jargon comme faisant partie de « l’annexe 1 », ont plus d’obligations que les autres. Les autres ont ainsi un cahier des charges plus souple et leurs inventaires d’émissions sont rarement vérifiés par des sources indépendantes.
Une tendance à sous-estimer
Certaines estimations peuvent ainsi être qualifiées de farfelues, voire mensongères. D’autres pays ne s’embarrassent même plus à communiquer leurs chiffres. Le Qatar, par exemple, premier émetteur par habitant, a pour la dernière fois fait remonter ses chiffres en 2011. Ils détaillaient des données datant de 2007. Depuis, on estime que les émissions du pays ont doublé, mais ce n’est donc pas pris en compte.
En Chine, principal émetteur de gaz à effet de serre au monde, une étude indépendante a montré que les émissions liées aux combustibles fossiles étaient sous-estimées de 23% entre l’inventaire communiqué et la réalité. De nombreux observateurs notent cependant les réels efforts menés par le pays pour améliorer la précision de ses déclarations.
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Le phénomène concerne également des pays de l’Annexe 1, comme le Canada. Une autre étude indépendante a démontré que les rejets liés l’extraction des sables bitumineux de la province de l’Alberta était sous-estimés de 64%.
Il y a enfin des secteurs entiers qui ne sont tout simplement pas déclarés car il n’y a pas de consensus sur la façon de les intégrer dans les inventaires. C’est le cas notamment de l’aviation internationale ou du secteur militaire. L’empreinte carbone de l’armée américaine est ainsi équivalente à celle d’un pays comme le Portugal sans que cela apparaisse.
Des données plus précises mais pas utilisées
Ces arrangements avec la réalité sont cependant examinés et dénichés de plus en plus finement par des moyens indépendants. Les satellites, notamment, ont grandement gagné en précision et peuvent maintenant déterminer l’ampleur et l’origine de rejets. Malgré ces nouvelles données, peu d’états les intègrent dans leurs recensements. Tant que ces mauvaises pratiques perdurent, l’écart entre les déclarations et ce qui est réellement mesuré dans l’atmosphère ne cessera de s’accroître, et le flou persistera sur qui est responsable de quoi.
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