Questions d'environnement

Couper ou préserver la forêt: un équilibre délicat à trouver

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La forêt française souffre du changement climatique et dans certaines zones de la surexploitation ce qui met à mal sa capacité à capter les gaz à effet de serre. Une capacité qui risque fortement de se réduire à peau de chagrin d'ici 2050 selon une étude que vient de publier l'IGN, l'Institut national de l'information géographique. Comment protéger la forêt et le climat tout en continuant à l’exploiter ? L'équation est difficile à résoudre.

Cette forêt à clairière des Monts d'Arawa au sud de la Guyane, sur affleurements granitiques, illustre la diversité floristique en relation avec celle de milieux rares et fragiles.
Cette forêt à clairière des Monts d'Arawa au sud de la Guyane, sur affleurements granitiques, illustre la diversité floristique en relation avec celle de milieux rares et fragiles. Daniel Sabatier/IRD
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D'un côté, le changement climatique va engendrer des sécheresses à répétition, qui affaiblissent les arbres et favorisent l'apparition de maladies. La mortalité de la forêt française a d'ailleurs déjà augmenté de près de 80 % ces dix dernières années, et cela va certainement s'aggraver selon l'IGN. Cette forêt affaiblie va fatalement moins bien pousser et donc moins bien capter le CO2 de l'air. En effet, c'est en grandissant que les arbres captent du CO2 et rejettent de l'oxygène lors du processus de photosynthèse. 

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L’ennui, c’est que la France, comme la plupart des pays dans le monde, a besoin des arbres, de beaucoup d'arbres même, pour amoindrir le changement climatique. Le pays mise sur une capacité de stockage d'environ 55 millions de tonnes de CO2 d'ici à 2050 pour respecter ses engagements climatiques. Or dans la plupart des scénarios de l'IGN, si la forêt française reste bien un puits de carbone en 2050, cette capacité continue à diminuer très fortement et elle frôle même « zéro absorption » dans les scénarios pessimistes.

« Pas de solution miracle »

D'un autre côté, la demande en bois pour se chauffer et pour la construction augmente, c'est l'autre pendant de l'équation. D'après les projections de l'IGN, la demande en bois devrait augmenter de 14 % d'ici à 2050. Comment faire alors pour récolter plus de bois en France pour répondre à la demande (et en évitant d'importer massivement du bois), tout en préservant au maximum la forêt pour lutter contre le réchauffement climatique ?

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« Nos scénarios montrent qu’on peut quand même augmenter les prélèvements de bois tout en maintenant une séquestration de carbone en forêt, par contre, il n’y a pas de solution miracle, on ne peut pas optimiser les deux à la fois », explique Antoine Colin, responsable du département d'analyse des forêts à l'IGN. « La coupe d’un arbre entraîne évidemment une réduction de la possibilité de séquestration en forêt. C’est là qu’il y a des équilibres à trouver et on ne peut pas gagner sur tous les tableaux, ça, c'est sûr et certain. Ce sont des choix politiques et des choix de société. »

Des choix actuellement entre les mains du gouvernement qui doit se servir de toutes les données produites par l'IGN pour mettre à jour, d'ici à la fin de l'année, sa stratégie pour atteindre la neutralité carbone.

Replanter la forêt

Ce qui complique la décision, c’est que le fait de couper du bois n’est pas forcément défavorable au climat. « On peut concilier – et c’est le cas aujourd’hui, une contribution du bois de coupe à l’atténuation de l’effet de serre », rappelle Antoine Colin, « via le stockage de bois dans les meubles ou dans la construction ». Le bois est en effet constitué de carbone qui reste « stocké » quand il est gardé sous forme solide dans les poutres et les planches. « Le bois de construction permet également d’éviter des émissions de gaz à effet de serre lorsqu’il se substitue à des matériaux comme le ciment, le béton ou l’acier » qui sont eux très polluants. « Mettre la forêt sous cloche n'est pas une solution », ajoute l’expert.

Pour compenser les besoins et la mortalité, l’idée qui vient naturellement en tête est de planter plus d’arbres. Le gouvernement a ainsi prévu un plan de reforestation massif : planter un milliard d'arbres d'ici 2030. Mais même si ce plan état mis en œuvre avec succès (ce qui n'est déjà pas gagné), les arbres poussent lentement et les effets positifs de la reforestation ne se verront qu'à partir de 2080 et même plus tard encore, estime l’IGN. Le renouvellement de forêts capables de stocker correctement le carbone dépendra aussi du type d’arbres qui seront replantés. Il faut en effet choisir des essences d'arbres qui seront résistantes dans les conditions climatiques du futur et il reste difficile de se projeter aussi loin. Quoi qu'il en soit, cela reste indispensable « d’agir maintenant et de ne pas perdre de temps » conclut Antoine Colin.

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