Questions d'environnement

Les bombes à retardement environnementales du Débarquement de Normandie

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Il y a 80 ans, le débarquement des troupes alliées en Normandie enclenchait la retraite puis la défaite des forces nazies en France. Un évènement qui sera commémoré en grande pompe ce jeudi 6 juin par Emmanuel Macron et Joe Biden. Mais 80 ans après, la Seconde Guerre mondiale n'a pas fini de faire des victimes, à cause des « ratés » de l'époque, ces munitions qui n'ont pas explosées et qui constituent aujourd'hui un risque majeur pour l'environnement et la sécurité publique.

Un démineur termine de désamorcer une bombe américaine de la Seconde Guerre mondiale découverte sur un chantier le 14 février 2010 dans la ville normande de Caen.
Un démineur termine de désamorcer une bombe américaine de la Seconde Guerre mondiale découverte sur un chantier le 14 février 2010 dans la ville normande de Caen. © AFP - KENZO TRIBOUILLARD
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Des millions de tonnes d'explosifs se sont abattus sur la Normandie lors de la Seconde Guerre mondiale. Des bombes, des obus, des mines, des grenades... dont près de 15 % n'ont pas explosé à l'époque et qui refont surface sur les plages après des tempêtes, qui sont remontés dans les filets des pêcheurs, ou déterrés lors de travaux sur la voirie ou dans les champs.

On imagine bien ce que peut donner une tractopelle contre un obus de 200 kg et chaque année la presse se fait l'écho de terribles accidents, comme ces trois adolescents en avril dernier qui ont voulu faire d’une vieille grenade antichar de la Seconde Guerre mondiale, une flamme olympique, pour jouer. L’un d’entre eux a été grièvement blessé, les deux autres plus légèrement. Ou ce promeneur qui a trouvé « une jolie pierre rose-rouge », qui l’a mise dans sa poche et qui était en réalité du phosphore (utilisé comme charge explosive et hautement inflammable) et qui a fini par le brûler de la cuisse au genou au deuxième degré. Mais on oublie souvent de parler de l'empoisonnement que ces munitions représentent pour l'environnement, que ce soit les armes conventionnelles ou chimiques.

« Toxiques, écotoxiques, herbicides, insecticides, biocides »

Selon l'association Robin des bois qui a réalisé un inventaire détaillé de ces vestiges, « le lent délitement des coques métalliques [des bombes] sous l’effet de la corrosion perdent chaque année 1 mm d’épaisseur ». Les explosifs à l'intérieur se dégradent en produits « toxiques, écotoxiques, herbicides, insecticides, biocides » qui peuvent provoquer des cancers, des malformations ou l’infertilité, entre autres.

Certaines communes interdisent encore aux femmes enceintes et aux nourrissons de boire l'eau du robinet tant cette pollution est persistante. Les agences sanitaires surveillent donc cet impact, mais surtout sur la terre ferme. Pour les munitions tombées en mer, l'armée, cette « grande muette », ne joue pas le jeu de la transparence, explique Charlotte Nithart, présidente de Robin des bois. « En mer, beaucoup d’informations – et de plus en plus, c’est ça qui nous inquiète, sont retenues au prétexte qu’il y a le secret-défense qui couvrirait toutes ces activités. Or, ce sont des munitions qui ont été utilisées maintenant, il y a quand même 80 ans, et les pollutions dues à ces munitions, n’ont aucune raison objective d’être classées secret-défense. »

Sept siècles de dépollution

Ce flou est d'autant plus préoccupant qu'après la guerre, les autorités avaient pris la décision d'immerger les munitions restantes en pensant que l'eau ferait une barrière efficace. Des dizaines de bateaux ont été bourrés d'explosifs et sabordés au large des côtes françaises, créant de véritables décharges sous-marines.

Il y a tant de ces reliques que toutes les retrouver et toutes les déminer s’annonce difficile. « Les experts français s’accordent pour dire que sept siècles seront nécessaires pour dépolluer totalement » la région, selon le rapport. Les démineurs allemands, eux aussi concernés par le problème, considèrent même que « jamais ne viendra le temps de la dernière bombe ». L'association Robin des bois demande donc plus d'analyses sur ces pollutions et une meilleure information pour la population. Parce que « tous les jours en baie de Seine, les pêcheurs remontent des munitions et les rejettent en mer », faute de procédure adaptée.

Et même lorsque les démineurs interviennent, c'est souvent pour faire exploser ces bombes dormantes en préventif, sans considération pour les produits toxiques qui sont dispersés, sans compter l’explosion elle-même. Sous l’eau, les déflagrations peuvent tuer des mammifères marins à quatre kilomètres à la ronde et les rendre sourds de manière permanente à 30 km.

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