Questions d'environnement

Mal-adaptation au changement climatique: pourquoi certaines solutions peuvent être pires que le mal?

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Climatisation, irrigation, digues... Des politiques d'adaptation mises en place pour répondre à la crise climatique produisent parfois des effets aggravants.

Voraces en électricité, les climatiseurs sont aussi susceptibles de réchauffer davantage l’air extérieur.
Voraces en électricité, les climatiseurs sont aussi susceptibles de réchauffer davantage l’air extérieur. Getty Images/iStockphoto - AndreyPopov
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En progrès, mais peut mieux faire : c’est ce qui ressort du dernier rapport des Nations unies sur les politiques d’adaptation au changement climatique, publié aujourd’hui, à deux semaines du prochain sommet mondial sur le climat, la COP30 à Belém au Brésil. Les solutions abondent, mais pèchent souvent par manque de financement. Et puis certaines solutions, qui peuvent être pires que le mal, relèvent de ce qu’on appelle la mal-adaptation.  

Prenons l’exemple des stations de ski, confrontées au manque de neige en montagne, à cause des températures plus élevées même en altitude, certaines stations ont définitivement fermé, mais d'autres s'accrochent et remplacent la neige naturelle, tombée du ciel, de plus en plus rare, par de la neige artificielle, en consommant de l'eau, au risque d'en priver les populations, et en utilisant beaucoup d'énergie, en aggravant donc les causes de la crise climatique. C'est cela la mal-adaptation, des fausses bonnes solutions dont on réalise souvent après coup les effets pervers. « Parfois, on promeut des solutions qui, soit aggravent le changement climatique futur, soit déplacent les vulnérabilités vers d’autres populations, d’autres territoires. La mal-adaptation vient après avoir mis en place des solutions qu’on pensait être bonnes pour l’adaptation », souligne Adèle Tanguy, spécialiste de l'adaptation à l'IDDRI, l'Institut du développement durable et des relations internationales.

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Agriculture dépendante

Certaines solutions d'adaptation peuvent aussi créer une forme de dépendance. C'est le cas dans l'agriculture, avec l'irrigation. On va créer des méga-bassines, on va aussi forer de plus en plus profond pour trouver de l'eau, au risque d'épuiser les nappes phréatiques. L'irrigation, c'est une drogue à accoutumance. « Ces solutions empêchent de penser la transformation des modèles agricoles, estime Adèle Tanguy. En fait, il y a des solutions qui vont nous enfermer dans des modèles où on va maintenir une utilisation importante de la ressource en eau, ce qui va nous faire dépendre de ces ressources-là. Or, à long terme, si la ressource en eau continue de diminuer, ces solutions ne seront plus suffisantes ».

Qu’en est-il maintenant de la climatisation, une « solution » qui parait évidente face au réchauffement climatique ? La clim provoque à chaque canicule en France des débats acharnés sur les chaines d'informations (qu'on n'est pas obligée de regarder...) : pour ou contre la clim ? Oui, elle rend la chaleur supportable à l'intérieur, mais elle rejette du chaud à l'extérieur. On a par exemple calculé que si tous les logements et bureaux de la région parisienne étaient climatisés, la température extérieure augmenterait de deux degrés.

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Noir ou blanc

La climatisation accroit le réchauffement et émet aussi des gaz à effet de serre : c'est l'exemple typique d'une fausse solution qui aggrave la crise climatique. Faut-il pour autant la rejeter totalement ? Tout n'est pas noir ou blanc. « Si on se dit qu’on va vers un réchauffement à 4°C en moyenne en France, il est certain qu’on ne va pas réussir à tout maintenir sans climatisation, comme le fonctionnement des hôpitaux par exemple. La question porte en fait sur les usages pour lesquels cela deviendra essentiel de mettre de la climatisation, et comment fait-on pour éviter d’en faire une solution généralisée qui aurait tendance à créer d’autres problèmes », résume Adèle Tanguy, de l’IDDRI.

Le même constat prévaut par exemple pour la désalinisation de l'eau. Les usines consomment énormément d'énergie. Elles rejettent aussi de la saumure en mer. Mais à certains endroits, on ne peut pas faire autrement, sauf à mourir de soif. Parmi tous les exemples de mal-adaptation, il y a aussi les digues, construites face à la montée de mer, aux effets pervers sur les littoraux, et qui procurent un faux sentiment de sécurité ; on continue comme avant, jusqu'à la catastrophe. Certaines solutions d'adaptation ressemblent en fait à de simples pansements, à court terme. Dans le mot « mal-adaptation », on entend le mot « malade ».

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