Pourquoi la Norvège est-elle un paradoxe écologique?
Publié le :
La Cour européenne des droits de l'Homme a rendu, mardi 28 octobre, une décision sur la politique énergétique et climatique d'Oslo, critiqué pour son ambivalence. Paradis environnemental, le pays est aussi un puissant exportateur de gaz et de pétrole.

La Norvège est un paradis écologique. Plus de 150 réserves naturelles, des paysages fabuleux, un pays recouvert aux deux tiers de forêts, de montagnes, de lacs et de tourbières. La Norvège, c'est aussi ce pays qui le premier dans le monde a interdit la déforestation, en 2016, et qui finance aussi la protection des forêts à l'étranger, comme au Gabon, qui reçoit de l'argent pour chaque tonne de carbone économisée, selon un accord signé en 2019.
Oslo est aussi l'une des capitales les plus vertes au monde. Les espaces verts recouvrent plus de la moitié de sa superficie ; la forêt est dans la ville, et les lacs et le fjord tout autour. En termes de bonheur intérieur brut, la Norvège est un paradis.
Électricité verte
La Norvège est aussi en pointe sur la transition énergétique, avec la quasi-totalité de son électricité issue d'énergies renouvelables, et en premier lieu les barrages hydroélectriques qui représentent plus de 90% de la production d'électricité. En parallèle, l'éolien en mer monte en puissance. La Norvège est aussi le pays où circulent le plus de voitures électriques par habitant : 95% des véhicules vendus aujourd'hui sont des véhicules « propres ».
La Norvège a aussi instauré très tôt une taxe carbone, sans que cela déclenche d'émeutes sur les ronds-points. Elle a aussi inauguré l'an dernier le plus gros complexe d'enfouissement du CO2, le principal gaz à effet de serre responsable de la crise climatique. Le CO2 capté dans les usines est séquestré dans les fonds marins (ce qui, certes, suscite des critiques).
Énergie noire
Mais dans ce tableau presque idéal, il y a un « mais », incarné par les hydrocarbures, le pétrole et le gaz que la Norvège a découvert dans ses eaux territoriales dans les années 60 et qui a littéralement changé la face d'un pays jusqu'alors plutôt pauvre. Avec un symbole, son fonds souverain, le plus gros au monde, doté de plus de 1 500 milliards d'euros – de quoi voir venir. En termes de PIB par habitant, la Norvège est ainsi le deuxième pays le plus riche au monde. La richesse en soi n'est pas un problème, sauf qu'elle vient des énergies fossiles à l'origine du réchauffement climatique.
La Norvège n'entend pas abandonner cette manne. Le septième plus gros exportateur de gaz a autorisé ces dernières années une vingtaine de nouveaux gisements, en totale contradiction avec les objectifs climatiques de l'accord de Paris, ce qui fait d'ailleurs l'objet de feuilletons judiciaires, avec un épilogue aujourd'hui devant la Cour européenne des droits de l'Homme, où plusieurs ONG et citoyens norvégiens ont porté plainte contre l'État norvégien. Dernier exemple de l'ambivalence norvégienne, certains diront de son hypocrisie : le gouvernement voulait autoriser l'exploitation minière de ses fonds marins, avant de reculer face au scandale.
À lire aussiLa Norvège renonce à ouvrir ses fonds sous-marins à l'extraction minière en 2025
Pétromonarchie
La Norvège est une pétromonarchie, avec un roi et du pétrole. En Norvège, on est peut-être les rois du pétrole, mais le modèle n'est pas celui des émirats du Golfe qui ont flambé leur or noir pendant des décennies. Non, la Norvège préfère que son gaz et son pétrole aille brûler loin de là. Et sa rente pétrolière est utilisée pour être un pays exemplaire sur le plan environnemental.
C'est là le grand paradoxe : la Norvège finance sa transition écologique grâce aux hydrocarbures qu'elle exporte. Comme si ses voitures électriques roulaient grâce au pétrole. La Norvège est un pays vert à l'intérieur et noir à l'extérieur. Et ce que nous dit le paradoxe norvégien, c'est cela aussi : quel compromis, ou quelles compromissions, peut-on accepter pour financer sa transition énergétique ?
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne