Questions d'environnement

Faut-il être radical pour défendre le climat et l'environnement?

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Verdict attendu aujourd'hui pour huit militants d'Extinction Rebellion qui avaient occupé illégalement une usine polluante. En dépit des condamnations politiques sur « l'écoterrorisme », la radicalité des méthodes employées par certains activistes, qui permet de se faire entendre, ne suscite pas forcément un rejet dans l'opinion publique.

Cette image extraite d'une séquence AFPTV montre des activistes d'Extinction Rebellion et de Youth for Climate déployant une banderole géante représentant un crâne et des os, portant le message « Poison », au sommet d'une structure à l'intérieur de l'usine chimique Arkema après avoir pénétré sur le site pour protester contre la pollution causée par les substances polyfluoroalkyles (PFAS), à Pierre-Bénite, au sud de Lyon, le 2 mars 2024.
Cette image extraite d'une séquence AFPTV montre des activistes d'Extinction Rebellion et de Youth for Climate déployant une banderole géante représentant un crâne et des os, portant le message « Poison », au sommet d'une structure à l'intérieur de l'usine chimique Arkema après avoir pénétré sur le site pour protester contre la pollution causée par les substances polyfluoroalkyles (PFAS), à Pierre-Bénite, au sud de Lyon, le 2 mars 2024. © AFP - SYLVAIN THIZY
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C’est la société du spectacle. À l’heure des réseaux sociaux et de l’information en temps réel, un certain nombre d’organisations écologistes privilégient les opérations coup de poing pour émerger dans la masse médiatique. On bloque des routes, on asperge un tableau de Van Gogh (protégé par une vitre), ou encore, tout récemment, le 1er mai dernier, pour dénoncer les riches qui polluent la planète, on pulvérise de la peinture (lavable à l’eau) sur les belles façades de la Villa Montmorency, ce quartier protégé de Paris où vivent notamment Vincent Bolloré et Nicolas Sarkozy – pas ensemble, on précise. Ça fait souvent « de belles images », et ça fait parler, dans l’espoir de rappeler l’urgence des crises climatiques et environnementales.

Le 2 mars 2024, quelques 300 personnes s’étaient ainsi introduites illégalement dans une usine du géant de la chimie Arkema, près de Lyon, pour dénoncer la pollution éternelle provoquée par les PFAS. Huit militants du mouvement Extinction Rebellion avaient été arrêtés, jugés et relaxés en première instance au nom de la liberté d’expression. Après un procès en appel, c’est aujourd’hui que la Cour d’appel de Lyon rend son délibéré. Pour Extinction Rebellion, cette opération contre Arkema est l’exemple d’une opération réussie, qui a permis de parler du fond, des polluants éternels. « Il y a eu une véritable retombée médiatique, se souvient Sébastien (qui préfère ne donner que son prénom). Ce qui nous intéresse, ce n'est pas qu’on parle de l'action, ce qui est malheureusement souvent le cas parce que certains médias préfèrent regarder le doigt plutôt que la lune. Là, les médias ont parlé du problème Arkema et il y a eu aussi une suite politique. Donc ça a été une action extrêmement réussie puisqu'elle a fait surgir le sujet ».

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Garde-à-vue préventives

Mais il y a eu aussi une suite judiciaire. Cette action, comme d’autres opérations coup de poing, a eu un coût pour les militants écologistes. Garde-à-vue, procès… la vie de certains activistes du climat n'est pas de tout repos, eux qui dénoncent une répression des lanceurs d’alerte, et la multiplication des garde-à-vue « préventives ». « En ce moment, on peut se faire arrêter avant même d'arriver sur l'action, déplore Cha, une autre militante d’Extinction Rebellion, un mouvement qui se revendique non-violent. C'est assez hallucinant comme répression : la privation de liberté pour des choses qui n'ont même pas encore été commises. J’ai trouvé ça tellement injuste que, au contraire, ça a plutôt nourri ma colère et ma volonté de continuer à agir ». Au Royaume-Uni, en revanche, le mouvement Stop Oil, contre le pétrole, s’est mis en retrait, officiellement parce qu’il a fini par convaincre le gouvernement britannique de renoncer à l’exploitation des hydrocarbures, mais aussi parce que les militants étaient épuisés par les procédures judiciaires à répétition.

La radicalité des méthodes employées par ces mouvements écologistes en fait-elle pour autant des « écoterroristes », selon une expression en vogue popularisée par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, en 2022, après une manifestation interdite contre les méga-bassines d’eau réservées à l’agriculture intensive. Des affrontements avaient opposé les forces de l'ordre et les Soulèvements de la Terre. « Il y a eu une grande partie des manifestants violents, s'en prenant par exemple à cinq véhicules de gendarmerie qui ont été détruits, avait accusé Gérald Darmanin, semblant confondre militants écologistes et black bloc, et on se demande bien pourquoi. Je veux redire que cela relève de l'écoterrorisme ». Ecoterrorisme ? Le parquet anti-terroriste ne s’est pourtant jamais saisi de l’affaire...

Le soutien de l'opinion

Dans l’opinion publique, ces actions bénéficient de davantage de mansuétude, voire de soutien, contrairement à une idée reçue. Selon le Baromètre Ecologie et Environnement publié par Sciences-Po Paris en 2024, 67% des Français soutiennent par exemple le blocage d’entreprises polluantes. 60% jugent également acceptable l’occupation de zones naturelles menacées. Qu’on soit cadre ou ouvrier, de gauche ou même de droite, les clivages ne sont pas marqués. « On observe que le rejet est beaucoup moins affirmé que ce qu'on aurait pu imaginer, analyse Lucien Thabourey, du Centre d'études européennes et de politique comparée de Sciences-Po, qui a participé à cette enquête. C'est le caractère ciblé ou non des actions qui compte. C'est plus facile pour certaines personnes de défendre le blocage d'entreprises polluantes ou l'occupation de zones naturelles menacées que d'être favorable au fait de bloquer une route (un mode d’action rejeté à 69%). Il y a en fait des modes d'action qui peuvent être acceptés comme une forme de participation au débat public ». Un engagement par procuration.

Tous les moyens, ou presque, semblent bons pour défendre l’environnement. « On a besoin d'organisations qui font du plaidoyer, on a besoin des organisations qui sont sur le terrain, et on a des besoins d'organisation, de combat, assure Sébastien, d’Extinction Rebellion Aujourd'hui, on a bien compris que face à ce qui se passe, c’est par la multiplication et la diversité des tactiques qu'on peut aujourd'hui agir ». Les moyens diffèrent, mais pas le but : sauver la planète. Radical, ou modéré, tous les goûts sont pour la nature.

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