Au Sénégal, au Mali ou en RDC, comment les mines d'or artisanales provoquent-elles des pollutions au mercure?
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Un métal toxique pour récupérer un métal précieux. En utilisant du mercure, l'orpaillage illégal met en danger les populations et les écosystèmes.

Une COP pour un poison : huit ans après l'adoption de la Convention de Minamata pour limiter l’utilisation du mercure, la ville suisse de Genève accueille à partir de lundi 3 novembre la COP6 sur le mercure, un métal particulièrement utilisé dans l’orpaillage artisanal – pour ne pas dire illégal. Ces mines d’or font vivre des milliers et des milliers de familles, notamment en Afrique, du Congo-Kinshasa au Mali, en passant par la Guinée-Conakry. « Ce travail est dangereux, très difficile. Mais c’est le dernier espoir de survivre », racontait un ancien chauffeur routier guinéen, devenu orpailleur faute de travail, à notre correspondant à Conakry, Mathias Raynal.
L'orpaillage illégal est dangereux parce qu'on peut mourir sous la terre qui s'effondre, et parce que le mercure est un poison.
Il est pourtant indispensable aux yeux des orpailleurs illégaux en raison de la simplicité du procédé pour récupérer l’or. Le mercure a la capacité d'amalgamer, d'absorber l'or qui se trouve en fines poussières dans la terre. La pâte ainsi produite est ensuite chauffée, le mercure s'évapore et il ne reste que l'or qu'on peut récupérer.
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Organes contaminés
Le métal, très volatile, s'évapore dans la nature, littéralement. Il est d'abord inhalé lors de cette opération de récupération de l'or. Et dans des villages traditionnels du Sénégal, près de la frontière avec le Mali, les femmes sont en première ligne. « Les hommes doivent aller chercher le minerai, parfois à 25 mètres de profondeur. À la maison, c’est la femme qui va faire la dernière partie du travail, l’amalgamation au mercure, raconte Birane Niane, enseignant-chercheur à l'université de Thiès. C’est apparemment le travail le moins difficile, mais malheureusement c’est le plus exposé parce qu’elles vont inhaler la fumée de mercure. On a observé des taux de mercure plus élevés chez les femmes que les hommes dans ces villages-là. »
Le mercure s'immisce dans le système nerveux, dans les organes vitaux, il est aussi transmis de la mère à l'enfant pendant la grossesse.
Le mercure pollue les humains et l'environnement parce qu’il est bioaccumulable – il s'accumule dans les organismes. « Il y a un danger ! s’alarme Birane Niane, qui a consacré sa thèse de doctorat aux effets du mercure sur la santé humaine dans ces mines d’or illégales. Mais au-delà de la santé de ces populations-là, tout le monde est concerné, parce que les écosystèmes sont contaminés, pollués. Le mercure revient dans les eaux, il s’accumule dans les tissus des organismes comme les poissons, et il va contaminer toute la chaîne alimentaire. »
Tout en bas de la chaine alimentaire, le plancton absorbe du mercure, les petits poissons s'en nourrissent, les gros mangent les petits et tout au bout ce sont les grands prédateurs qui sont les plus contaminés. Si on mange ces poissons, on est aussi contaminé.
Or empoisonné
On n'en a jamais fini avec le mercure, parce qu’il est increvable – c’est aussi l’une de ses propriétés. « Si le mercure est emprisonné dans les couches de sol, quand on commence de nouveau à remuer la terre, quand de l’eau circule à l’intérieur, ce mercure peut être réactivé, continuer à polluer. C’est un polluant éternel », relève Robert Moritz, professeur émérite à l'Université de Genève.
Malgré les dangers du mercure, les orpailleurs continuent d'utiliser « le produit », comme ils l’appellent, sans nommer explicitement cette substance toxique officiellement interdite et vendue clandestinement. Il existe pourtant des alternatives, mais les chercheurs d’or s'en méfient parce qu'elles viennent des autorités. Et puis les dangers du mercure, ses effets, on ne les voit pas immédiatement.
« C’est le même problème que le réchauffement climatique ou la radioactivité : on ne s’en aperçoit pas sur le coup. On n’a aucune conséquence immédiate. Ce que veulent les populations, c’est survivre, gagner leur croûte, s’enrichir. Elles ne se préoccupent pas tellement de ce qui va se passer 20 ans plus tard », estime Robert Mortiz.
La pauvreté et le sous-développement sont des polluants éternels de l'humanité.
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