Comment vivre après un attentat ? La dessinatrice Coco, rescapée de l'attentat de Charlie Hebdo, raconte sa culpabilité et la perte de ses amis dessinateurs qu'elle fait aussi revivre dans un album graphique qui vient de paraître intitulé Dessiner encore.

La vie de Corinne Rey, dite Coco, bascule le 7 janvier 2015. Ce jour-là, comme tous les mercredis, la dessinatrice trentenaire assiste à la conférence de rédaction de Charlie Hebdo. Elle sort chercher sa fille à la garderie et croise les frères Kouachi qui, sous la menace de leur kalachnikov, la forcent à composer le code de la porte.
Des terroristes qu'elle ne nomme pas et représente dans son album Dessiner encore comme des masses noires menaçantes, on dirait des fantômes. « Ce ne sont pas tellement des fantômes, ce sont leurs cagoules qui sont comme ça. Je voulais surtout représenter des masques de violence, de détermination et l'envie de tuer. C'est ce qu'ils ont exprimé », décrit la dessinatrice.
Depuis, Coco vit avec ce traumatisme et la culpabilité d'avoir ouvert la porte à ceux qui ont tué douze personnes ce jour-là. Dans ce roman graphique, la jeune femme aux yeux clairs représente ses angoisses comme une vague prête à l'engloutir à tout moment. « Le traumatisme ne vous quitte pas, affirme Coco. Vous faites avec. Dans ma vie de tous les jours, il y a des tas de choses qui ont changé. Il y a la protection, je n'en parle pas trop en général mais ça peut s'emballer vite en moi. Le stress post-traumatique se réveille parfois. C'est comme une plaie ouverte. Mais pour nos amis qui sont partis et que je voulais faire revivre dans le livre, j'ai l'impression que c'est comme une amputation. »
Et Coco représente plein de vie et d'humour ses amis disparus : Charb, Cabu, Wolinski, Tignous ou encore Honoré. « Comme je les avais vécus, comme on avait échangé, cette ambiance jusque dans les plus petits détails et c'est assez étonnant comme les petits détails vous reviennent. Je pense par exemple à ce regard que j'ai croisé entre Charb et Sigolène qui était comme un petit moment de flottement. J'avais toujours trouvé que Sigolène avait de beaux yeux. On pense à des détails humains, beaux et sensibles », nous dit Corinne Rey.
Beau et sensible comme cet album qui exorcise la douleur et est un hymne à la vie, sous l'égide d'ailleurs de la chanson Ode à la vie d'Alain Bashung. « Cette image d'ode à la vie c'est un peu l'essence du livre au final, explique Coco, même si ça parle d'attentat, de terrorisme et de traumatisme. Ça parle avant tout de la vie, de cette équipe et de l'innocence aussi. » L'innocence de dessinateurs, correcteurs, policier, visiteurs, tués pour des dessins et auquel cet album graphique sensible et lumineux rend un vibrant hommage.
► Dessiner encore, de Coco aux éditions Les Arènes.
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