
Avec cette dernière attaque en date : celle qui a endeuillé le Burkina Faso le 5 septembre. « Trente-cinq morts et une quarantaine de blessés !, soupire Le Pays. C’est le bilan provisoire après l’explosion, au contact d’une mine, d’un véhicule de transport qui faisait partie d’un convoi de ravitaillement escorté en partance pour Ouaga, entre Djibo et Bourzanga. (…) Ce massacre de civils à l’engin explosif improvisé est d’autant plus marquant, pointe Le Pays, qu’il intervient au lendemain du discours-bilan des sept premiers mois de pouvoir du président Damiba. C’est dire s’il s’agit là d’un véritable pied de nez à l’officier-président. »
En effet, renchérit L’Observateur Paalga, « les terroristes auraient voulu faire la nique au lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Une véritable hécatombe qui vient comme une réponse sanglante au président du Faso qui se félicitait, la veille, d’une embellie sur le plan sécuritaire. »
Et le quotidien ouagalais de s’adresser directement au chef de la junte : « voilà le problème, monsieur le président. On veut bien partager l’optimisme que vous avez distillé dimanche passé, mais force est de reconnaître que chaque coup asséné par l’ennemi vient nous plonger dans la sinistrose. »
Collaboration entre Ouagadougou et Bamako ?
Cette attaque intervient également au lendemain de la visite de travail et d’amitié à Bamako du lieutenant-colonel Damiba : visite au cours de laquelle « les responsables des juntes malienne et burkinabè ont décidé de "renforcer leur partenariat militaire", pointe Le Monde Afrique.
Cette « visite à Bamako du colonel Damiba illustre le redéploiement stratégique déjà engagé à Ouagadougou », avance pour sa part Le Point Afrique. Et on en vient à se demander, poursuit le site, « si Ouagadougou est prêt à desserrer ses liens de coopération militaire avec un partenaire historique tel que la France, qui a fortement participé, avec Barkhane, à des opérations qui ont débouché sur des succès sur le sol burkinabè comme celle menée fin mai dernier à Bourzanga, dans le nord du pays. »
L’armée malienne crie victoire…
Justement, au Mali voisin, la junte militaire fait état d’avancées et de victoires contre les groupes terroristes… « Les forces armées maliennes maintiennent leur dynamique offensive de recherche, de neutralisation des terroristes et de destruction de leurs sanctuaires dans le cadre de l’opération Keletigui du plan Maliko », affirment les autorités dans un communiqué repris par le site Maliweb qui précise que « plus de 120 terroristes ont été neutralisés le mois dernier ».
Depuis ces 15 derniers jours, l’armée malienne multiplierait les « raids aériens et terrestres contre l’EIGS, l’État islamique dans le Grand Sahara, dans la région de Tessit. » C’est ce qu’affirme le site Mali Tribune qui cite également des sources militaires.
Au détriment des civils ?
Interrogé par Jeune Afrique, Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement à Paris, s’inscrit en faux. Pour lui, « la réalité est moins plaisante à entendre. Gangrénée depuis plusieurs décennies par la corruption, l’indiscipline, le népotisme et l’impunité, l’armée malienne se révèle incapable de protéger les civils dans les zones rurales les plus reculées, affirme le chercheur. Ces derniers doivent en conséquence négocier des ententes avec les djihadistes pour assurer leur survie. Pis encore, la soldatesque de Bamako nourrit le conflit en stigmatisant et en massacrant des Peuls qui, automatiquement suspectés de sympathies terroristes, vont rejoindre les rangs des insurgés pour essayer d’échapper aux exécutions extrajudiciaires ou à la torture en prison. Les rapports des Nations unies et des organisations de défense des droits humains sont accablants, pointe encore Marc-Antoine Pérouse de Montclos. D’après les témoignages recueillis dans le centre du Mali, les militaires et leurs supplétifs miliciens continuent de tuer des civils et d’opérer des rafles arbitraires. Ils ciblent notamment les jeunes qui ont pour simple tort d’être barbus, "preuve" de leur inclination islamiste. (…) Face à des civils pris entre deux feux, l’armée malienne, elle, nie en bloc les accusations dont elle fait l’objet. À en croire ses responsables, sa composition multiethnique la préserverait de tout risque de ciblage communautaire. Entre propagande et mensonge d’État, conclut le chercheur, le déni de réalité n’en est que plus évident. »
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