Le Bhoutan, petit royaume himalayen pris en étau entre les géants indiens et chinois, qui vient d’élire son nouveau Premier ministre. Tshering Tobgay déjà chef de gouvernement entre 2013 et 2018, et son parti libéral le PDP (parti démocratique populaire) sont sortis vainqueurs des législatives de mardi dernier, après avoir remporté 30 des 47 sièges au Parlement. L’occasion de nous pencher sur le « Bonheur National Brut » qui vaut au Bhoutan une renommée mondiale.

On connaissait le Produit Intérieur Brut, le PIB habituellement utilisé pour calculer la richesse d’un pays. Eh bien, le Bhoutan a inventé son propre indice, Bonheur National Brut, qui prend en compte le bonheur et le bien-être de la population. Ce concept, lancé par le roi Jigme en 1972, mais véritablement appliqué depuis 2008, repose sur quatre piliers : une économie réfléchie, la préservation de la culture, la sauvegarde de l’environnement et une bonne gouvernance. L’indicateur a fait des émules, surtout dans des organisations internationales comme l’OCDE qui a rajouté d’autres thématiques – éducation, santé, emploi - pour établir un classement de pays où il fait bon vivre, ou l’ONU qui publie également chaque année un rapport mondial sur le bonheur.
Quel bilan mitigé seize ans après son introduction dans la Constitution
Pour le côté positif, incontestablement, c'est l’environnement qui affiche un bilan impressionnant. Le Bhoutan est le premier et le seul pays au monde à avoir un bilan carbone négatif, le royaume est recouvert à 70 % de forêt et n’a quasiment pas d’industries.Côté négatif, cette jeune démocratie parlementaire souffre de graves problèmes économiques. La croissance stagne en moyenne depuis cinq ans à 1,7 %. La pandémie de Covid est passée par là. Quelque 29 % des jeunes sont au chômage selon la Banque mondiale. Chaque année, le nombre de candidats à l’exil augmente fortement. Les jeunes Bhoutanais rejoignent en masse l’Australie pour y étudier ou trouver une vie meilleure.
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Conscient du problème, le Premier ministre Tshering Tobgay a justement axé son programme sur le renforcement de l’économie pour empêcher la fuite des cerveaux et inciter les jeunes à revenir. Il a cinq ans de mandat devant lui pour renverser la tendance.
Comment concilier les deux, le bonheur, tout relatif, et le développement durable ?
Il faudra trouver la bonne recette en cherchant de nouvelles voies de développement. Pour protéger son environnement, le pays a cherché à se préserver de l’hyper tourisme, en imposant une taxe, dissuasive pour beaucoup, de 200 dollars par jour. Elle a été divisée par deux depuis. Mais le Bhoutan doit aussi s’attaquer à la pauvreté rurale, et à la désaffection des campagnes au profit des villes. Le royaume, longtemps fermé au reste du monde, devra trouver un juste équilibre entre préserver ses traditions, son environnement et développer les zones rurales, tout en stimulant les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’hydroélectricité, sa principale source de revenus.
De forts enjeux géopolitiques
Le Bhoutan est enclavé entre deux géants, l’Inde au Sud, allié traditionnel, plus grand partenaire commercial, et la Chine au Nord avec laquelle le royaume a des contentieux frontaliers.
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En octobre, Thimphou a signé avec Pékin un accord de coopération, qui inquiète beaucoup New Delhi. Un récent rapport du groupe de réflexion britannique Chatham House a révélé un programme de construction de colonies chinoises dans la région frontalière au nord du Bhoutan, et qui pourrait devenir – en cas d’accord frontalier – un territoire chinois permanent. Pékin souhaite résoudre au plus vite ce contentieux et établir des relations diplomatiques avec le Bhoutan. New Delhi voit cet accord d’un très mauvais œil, car la zone où Pékin développe ces infrastructures se situe sur le plateau de Doklam une région stratégique pour New Delhi, car proche du corridor d’environ 22 km qui relie le nord-est de l’Inde au reste du pays.
Une chose est sûre, l’Inde va tout faire pour empêcher son rival chinois d’étendre davantage son influence et attirer Thimphou dans son orbite. Notamment en développant ses relations économiques et stratégiques, à travers la création d’une zone économique spéciale le long de la frontière et une série de projets de connectivité, comme la construction d'une ligne ferroviaire vers le Bhoutan.
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