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Afrique de l'Ouest: le commerce de denrées six fois supérieur aux données officielles, selon une étude de l'OCDE

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Dans une récente étude, l’OCDE apporte de nouvelles perspectives sur le commerce alimentaire en Afrique de l’Ouest. Alors que les chiffres officiels l’estiment à 1,7 milliard de dollars par an, la compilation de plusieurs bases de données sur le commerce non enregistré - tels que les études nationales et le travail réalisé par le Comité inter-État de lutte contre la sécheresse au Sahel - montre qu'il s’élève au moins à 10 milliards. Un niveau qui vient bousculer les idées reçues sur les échanges de denrées dans la région.

Un étal de fonio au marché de Coyah, en Guinée. Le fonio est une céréale cultivée dans une dizaine de pays ouest-africains.
Un étal de fonio au marché de Coyah, en Guinée. Le fonio est une céréale cultivée dans une dizaine de pays ouest-africains. © Ibrahima Soumah Sory
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Le suivi des denrées et des prix, c’est le métier de Mouhamadou Ndiaye, le coordinateur du Réseau des systèmes d’information des marchés en Afrique de l’Ouest, dont l'un des défis au quotidien est d’apprécier les marchandises non enregistrées. « Nous qui sommes dans les marchés, nous savons qu'effectivement, il y a ces produits. Dans les marchés, vous pouvez juste connaître le niveau d'approvisionnement, connaître les prix, décrit cet expert. Mais  savoir exactement les tonnages, c'est très difficile. Bien sûr, cela a un impact sur la sécurité alimentaire parce que très souvent, certains pays, y compris aujourd'hui, interdisent à certaines denrées de quitter leur territoire. »

Ce travail de compilation inédit dresse un portrait différent de celui communément admis du commerce alimentaire dans la région. Il montre notamment une diversité de marchandises alimentaires plus importante et un commerce largement répandu entre l’ensemble des États de la zone, et pas seulement entre les États frontaliers, bilan qui change la donne lorsque vient le temps de faire des choix.

« Les décideurs politiques, et même les acteurs privés, ont une relative méconnaissance d'où se situent les opportunités de marché régional, parce qu'on n'a pas de données comme on peut en avoir dans d'autres régions du monde sur la taille réelle des importations alimentaires et d'où elles proviennent, autrement dit combien rapporte le Nigeria ou le Bénin par produit. Donc c'est aussi ça l'enjeu : pouvoir avoir de meilleures informations pour guider les politiques de soutien de promotion des exportations, par exemple, que des pays mettent en œuvre », détaille Alban Mas Aparisi, économiste en charge du travail sur la transformation des systèmes au Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest de l’OCDE et auteur du rapport. Prenant l’exemple du Nigéria, il montre que celui-ci passe du rang de huitième à premier pays importateur régional, selon que l'on prend en compte les données officielles ou les données retravaillées par son étude. « Cela donne une idée decombien les données sont faussées », souligne-t-il.

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Le commerce intrarégional en Afrique de l'Ouest se révèle donc beaucoup plus important que ce qu'en disent les statistiques officielles - c’est par exemple le cas des tubercules ou des céréales locales, qui en sont quasi absentes - avec des conséquences sur l’appréciation de la résilience alimentaire dans la Cédéao.

« La question des interdictions aux exportations qui continuent de se produire dans la région est extrêmement contre-productives parce que cela nuit à la fois à la production locale et à la sécurité alimentaire de la région, en coupant les producteurs des marchés régionaux », alerte l’économiste du Club du Sahel. « Parce que s'il y a des interdictions mutuelles, les produits circulent moins, il y a moins de diversité, moins de disponibilité et aussi des prix plus élevés », poursuit-il.

Près des deux tiers de la production alimentaire régionale - en excluant le cacao et la noix de cajou, cultures de rente et majoritairement destinées à l’exportation - seraient ainsi en réalité déjà destinées aux pays de la Cédéao.

Pour consulter le rapportLe commerce alimentaire intrarégional en Afrique de l’Ouest : Nouvelles données, nouvelles perspectives.

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