Pourquoi faut-il restaurer la nature en Europe?
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Pollution, urbanisation, exploitation intensive. Dans l'Union européenne (UE), 80% des habitats naturels ont été dégradés par les activités humaines. Ces écosystèmes – forêts, rivières, dunes, prairies sous-marines notamment – sont pourtant essentiels à nos économies et à notre vie sur la planète. Pour freiner cet effondrement du vivant, les eurodéputés ont adopté fin février la loi de restauration de la nature. Mais alors qu'il devait être entériné ce lundi 25 mars, ce texte provoque encore des tensions.

Texte clé du Pacte vert européen, la loi sur la restauration de la nature vise à réparer les écosystèmes naturels dégradés par les activités humaines. Elle a été approuvée fin février par les eurodéputés après d’âpres débats et devait être validée ce lundi 25 mars en Conseil des ministres de l'Environnement de l'UE. Mais au dernier moment, la présidence belge l’a retiré de l’agenda, faute de majorité.
À moins de trois mois des élections européennes, certains États membres de l’Union sont réticents, parce que l’Europe sort d’un mouvement de colère des agriculteurs et qu’elle craint qu’il reprenne. Cette loi vient en effet heurter de nombreux secteurs de nos économies et sociétés, qui fonctionnent actuellement en abîmant la nature avec, au premier rang, l’agriculture intensive.
Restaurer les espaces naturels est pourtant crucial, car ils sont à la base de nos économies et rendent possible notre vie sur la planète. Si nos forêts dépérissent, nous n’aurons plus de bois. Si les insectes qui aident à la reproduction des plantes disparaissent tous, on ne pourra plus cultiver. Si on pollue tous nos cours d’eau, les entreprises qui utilisent cette eau auront un problème. Notre santé dépend aussi de la nature.
Des sols en mauvais état
Aujourd’hui, 80% des habitats naturels dans l'Union européenne sont dans un état « mauvais » ou « médiocre », selon Bruxelles. Non seulement les Européens n’ont presque plus d’espaces naturels primaires, c’est-à-dire où les humains n’ont pas mis les mains, mais les espaces semi-naturels, comme les espaces agricoles, ont de surcroît été épuisés. À cause des engrais, des pesticides et des méthodes intensives, les sols européens ont perdu beaucoup en fertilité notamment.
« Les écosystèmes les plus abîmés en Europe sont les zones agricoles, les milieux marins et les tourbières », détaille Agnès Hallosserie, directrice du programme biodiversité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Prenons cet exemple : une tourbière, c’est une sorte de marais, de prairie humide, où l’eau souterraine remonte plusieurs mois par an et offre un espace unique pour certaines plantes et certains amphibiens. « Ces tourbières, on les a en grande partie asséchées pour cultiver et construire nos villes », explique Boris Brasseur, géologue qui étudie les sols et notamment les tourbières à l’Université Picardie-Jules Verne, dans le nord de la France. Elles jouent pourtant un rôle clé d’épuration des eaux, de réservoir en cas d’inondations, et stockent énormément de carbone. C’est donc dans notre intérêt de les remettre en état pour freiner le réchauffement climatique.
Que se propose de faire le texte de l’UE ?
La loi européenne sur la restauration de la nature entend imposer aux Vingt-Sept de réparer 20% des terres et des espaces marins de l’Union européenne d’ici à 2030, et l’ensemble des écosystèmes dégradés d’ici à 2050. C’est une solution préconisée par l’Ipbes, l’équivalent du Giec mais pour la biodiversité, et c’est dans la lignée de l’Accord de Montréal pour tenter de stopper l’effondrement du vivant. Pour ce faire, le texte de l’UE liste des objectifs par habitats naturels et pour certaines espèces comme les papillons de prairie ou les oiseaux.
« Concrètement, cela veut dire casser du béton pour désartificialiser des sols, recreuser des fossés, libérer des cours d’eau, liste Agnès Hallosserie. Les agriculteurs et les pêcheurs ont aussi un rôle à jouer ainsi que les politiques publiques dans ces secteurs ; les villes vont devoir restaurer les écosystèmes urbains et renforcer les espaces verts... »Mais il s’agit aussi que l’être humain se retire pour laisser la nature reprendre sa place et retrouver son équilibre. « Si on arrête les pressions sur la nature, elle revient et retrouve ces fonctionnalités dans de nombreux cas », assure-t-elle.
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