Grand barrage de la Renaissance: des revenus d'un milliard de dollars par an pour l’Éthiopie?
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L’Éthiopie inaugure aujourd’hui son mégabarrage avec plusieurs années de retard. Le barrage de la Renaissance qui a coûté plusieurs milliards de dollars, auto-financé, a une capacité de production de 5 000 mégawatts. C’est le plus puissant du continent, ce qui fait espérer un développement de l’électrification dans le pays, mais également des revenus importants pour l’État. Abiy Ahmed, dans une interview télévisée la semaine dernière, a déclaré qu’il pourrait rapporter 1 milliard de dollars annuel à l’économie du pays.

Une déclaration qui a attiré l’attention des observateurs. Biruk Heregu est enseignant-chercheur spécialiste des questions politiques et économiques éthiopiennes : « Savoir combien ces exportations vont permettre de rapporter de devises étrangères est incertain. Par exemple, l'autorité en charge de l'électricité en Éthiopie a établi des prévisions selon lesquelles, pour la dernière année fiscale, les exportations d'électricité ont rapporté environ 100 millions de dollars. Pour l'année fiscale en cours, les estimations sont d'environ 118 millions, et pour celle à venir, elles prévoient des revenus d'environ 300 millions de dollars. »
Selon la communication officielle, seul le surplus de production devrait être exporté. Mais pour Tsegay Tekleselassie, économiste au Wellesley College à Boston, il est probable que les autorités se concentrent sur les exportations. Du courant éthiopien part déjà vers le Kenya, Djibouti, le Soudan et depuis peu la Tanzanie. Addis-Abeba affiche d’ailleurs sa volonté de faire de l’Éthiopie un hub énergétique en Afrique.
« L'Éthiopie présente un très grand déficit en offre d'électricité. Environ 40 % des Éthiopiens n'ont pas accès au courant, et ceux connectés ont des problèmes de coupures », analyse l’économiste. Il y a donc une forte demande non satisfaite. « Malgré cela, l'Éthiopie aspire à exporter vers les pays voisins parce qu'elle a vraiment besoin de devises étrangères. De plus, en fournissant ses voisins, cela donne à l'Éthiopie un certain pouvoir de négociation politique », poursuit Tsegay Tekleselassie.
Fiabilité des données ?
1 milliard de dollars, un montant sans doute surévalué qui pose une nouvelle fois la question de la fiabilité des statistiques en Éthiopie met en exergue Biruk Heregu : « L'un des défis auxquels le régime d'Abiy Ahmed a été confronté ces dernières années concerne les questions relatives aux données économiques. Les statistiques économiques ont fait l'objet d'un examen minutieux et d'une remise en question, non seulement de la part d'experts éthiopiens et étrangers, mais aussi des institutions comme la Banque mondiale qui ont commencé à remettre en question les données économiques émanant de ce régime. »
Si Addis-Abeba se dote ainsi d’une importante capacité de production, les experts s’accordent pour dire que la situation ne devrait pas changer de manière radicale pour les Éthiopiens dans l’immédiat. Le réseau national vétuste nécessite de gros investissements afin de distribuer le courant produit.
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