Questions d'environnement

À Toulouse, un atelier pionnier contre l’éco-anxiété des futurs acteurs de la transition écologique

Publié le :

Angoisse, sentiment d’impuissance, colère, culpabilité… De plus en plus de jeunes dans le monde sont inquiets en raison de l’urgence climatique. Face à cette « crise de santé publique émergente » selon les experts, une des réponses est de sortir de l’isolement et de choisir sa façon de passer à l’action. RFI vous emmène au contact de ceux qui, en France, ont transformé leur éco-anxiété en action. À l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT), des professeurs ont, dès 2017, proposé un atelier pionnier pour lutter contre ce phénomène.

Une séance de l’atelier contre l’éco-anxiété à l’ENSAT, Toulouse (France), mars 2023.
Une séance de l’atelier contre l’éco-anxiété à l’ENSAT, Toulouse (France), mars 2023. © Lucile Gimberg/RFI
Publicité

Des mouvements de danse pour se dégourdir les membres et souder le groupe puis de la méditation pleine conscience. Ce matin de mars à Toulouse, dans le sud de la France, l’éco-thérapeute Isabelle Giraldo et son ancienne élève Marie accueillent une quarantaine d’étudiants pour leur dernière séance contre l’anxiété climatique.  

« Les émotions ont un message, explique Isabelle Giraldo à RFI. La colère nous informe sur l’injustice, la tristesse nous informe sur ce qu’on a perdu et la peur nous informe sur les dangers. Donc la première étape contre l’éco-anxiété c’est de comprendre le message de l’émotion que j’ai, ce qu’elle me dit et ce qu’elle me demande de faire. »

Dans ce master spécialisé en éco-ingénierie, où se forment les futurs cadres de la transition écologique, « les étudiants comprennent en quelques mois seulement l’ampleur des destructions causées par les activités humaines sur notre planète », indique le responsable pédagogique Roman Teisserenc. Effets dévastateurs du réchauffement climatique en raison de notre production et consommation des énergies fossiles (sécheresses, canicules, inondations, érosion, montée des eaux, etc.), effondrement de la biodiversité, pollutions massives, effets sur la santé, sur la sécurité alimentaire, sur les migrations… Pour la plupart des étudiants, plonger la tête dans tout cela suscite de fortes émotions. 

Alors en 2017, l’enseignant-chercheur en biochimie a décidé de faire accompagner ses élèves par une professionnelle. « Si on ne le fait pas, le risque c’est que ces émotions soient gérées par des personnes extérieures à l’institution académique, estime Roman Teisserenc, et dans ce cas-là, cela peut mener à tout type de dérive : ça peut être des addictions, ça peut être d’aller voir des structures qui sont dans la dérive sectaire. »

Une randonnée en montagne en début d’année, deux ateliers en classe de travail collectif et individuel sur ces émotions, et enfin cette séance pour préparer leur départ en stage. Cet atelier pionnier outille les étudiants pour rompre l’isolement associé à l’éco-anxiété, faire la part des choses et choisir leur bataille. 

« Ça fait du bien de voir qu’on a un peu tous les mêmes peurs, les mêmes attentes, les mêmes envies, ce sont des choses qu’on n’ose pas forcément dire dans la vie de tous les jours en fait », confie Anton qui a suivi le master. Sa camarade Alix acquiesce : « Pour moi cet atelier, c'est un cadre dans lequel on peut se sentir vulnérable en toute confiance, c’est ce qui nous permet d’avoir des échanges riches ». 

Un peu plus âgé, Vincent est en reconversion après 15 ans à réparer avions et hélicoptères : « Pour ma part, je suis plus éco-furieux qu’éco-anxieuxl. Là, le fait de faire des méditations de groupe et un autre atelier qui s’appelle le travail qui relie, ça m’a vraiment marqué, je ne connaissais pas du tout, ces exercices ont soulevé de fortes émotions en moi et c’était très intéressant. Ça permet d’évoluer personnellement en fait », estime-t-il. Et qu’est-ce que cela a changé en lui ? « Je n’ai pas l’impression d’être moins en colère, mais j’ai plus d’espoir. »

« On leur apprend à se créer des oasis au milieu du désert pour continuer à porter le changement », résume leur professeur Roman Teisserenc. Et c’est un succès : après l’été 2022, marqué par de fortes canicules et des incendies intenses en France, d’autres étudiants de l’ENSAT sont venus trouver l’enseignant pour ouvrir, à l’avenir, cet atelier à tous les élèves et au personnel de l’école. 

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes